Archives par mot-clé : Emöke Barath

Opéras recomposés

En novembre 2016, György Vashegyi et ses musiciens budapestois composaient un audacieux panorama de la tragédie lyrique englobant les règnes des trois Louis, de Lully à Gluck, emportant du même geste ardent les scènes magiques, les airs tragiques, les musiques de fêtes. Continuer la lecture de Opéras recomposés

La Reine de Castille

Arrivé à Hambourg, Haendel, tout juste vingt ans, écrit son premier opéra, où se mêlent comme le veut l’usage du temps langue allemande et airs parfois en italien, où s’avoue son admiration des ouvrages lyriques de Reinhard Keiser qui règne alors sur la scène hanséatique Continuer la lecture de La Reine de Castille

Justin

Écrit pour renouveler le succès romain d’Ercole sul Termodonte, Il Giustino n’avait connu au disque que deux fortunes relatives : Alan Curtis et son petit orchestre gris-trottoir soutenait une distribution modeste en coupant allégrement dans la partition Continuer la lecture de Justin

Orfei

Monteverdi, Rossi, Sartorio, trois Orfeo auront marqué le XVIIe siècle, Philippe Jaroussky herborise de l’un à l’autre en bousculant la chronologie des trois ouvrages (1607, 1647, 1672) mais en retissant l’histoire d’Orfeo du début à la fin, Arcadie, mort d’Eurydice, voyage aux Enfers, salvation.

Si Possente spirto, le grand air orné où Monteverdi dépeint Orfeo charmant les esprits infernaux, le montre virtuose, inspiré mais parfois contraint par la tension de l’ambitus – les ténors peuvent y mettre plus de mordant -, dans tout le reste, il émerveille sans condition, et d’abord dans les airs de l’opéra de Sartorio qui semble un vrai chef-d’œuvre.

Injustice, si l’on a de belles intégrales du Monteverdi, si William Christie a ressuscité l’opéra de Rossi avec art, L’Orfeo de Sartorio n’a connu que deux versions très modestes qui n’en rendent pas compte, celle de Stephen Stubbs et son Teatro Lirico (Vanguard) et celle de René Clemencic, introuvables depuis des lustres.

En entendant la grande scène où Euridice tire Orfeo de son sommeil, je me dis que Philippe Jaroussky et son Euridice, Emőke Baráth, seraient bien inspirés de graver l’intégrale de l’œuvre, d’autant que Diego Fasolis et ses Barocchisti s’y engagent avec poésie et feu.

L’autre héros de cet album subtil et révélateur est une héroïne : écoutez seulement comment Emőke Baráth chante le déchirant « Mio ben, teco il tormento » du Rossi où semble passer l’ombre de Purcell. Impossible d’écouter simplement le disque dans sa chronologie, peu à peu je me suis pris au jeu, allant de Rossi à Sartorio, puis de Monteverdi à Sartorio, tissant mes propres correspondances.

Clematis et Zachary Wilder en restent quand à eux à Monteverdi et à son entourage mantouan. Toujours L’Orfeo mais côté balletti, ceux de l’opéra qui s’assemblent en une suite avec les Sinfonias et deux airs vifs. Comme La Moresca sonne pleine et leste ! Dans Tempro la cetra, les ornements, la virtuosité, les affetti mesurés mais brillants, indiquent que le madrigal monteverdien a trouvé en Zachary Wilder un nouvel Apollon.

Il est tout aussi vif et expressif lors des brèves injonctions orphiques, et soudain miel et ambre pour le sublime Tirsi mio, caro Tirsi coulé de la plume du véritable héros de ce nouveau disque de Clematis, Salomone Rossi. Ses deux autres madrigaux à voix seule, ses pièces instrumentales si élégantes et si touchantes, vous seront les guides d’un savant parcours dans la musique instrumentale à la cour de Mantoue : le jeu d’échos de la Canzon francese de Lodovico Viadana, la magnifique Sonata de Biagio Marini, La Mantovana de Zanetti trouvent dans les cordes frottées ou pincées de Stéphanie de Failly et de ses amis – écoutez seulement le lirone de Jérôme Huille – autant de voix entre plaisirs et mélancolies.

C’est à Florence, chez les Medicis, à l’orée du XVIIe siècle, que nous entrainent Marc et Angélique Mauillon, voix et arpa doppia, pour illustrer l’art des deux Orphée toscans, Jacopo Peri et Giulio Caccini (surtout lui, maître des canti maniéristes, quasi inchantables à force d’ornements et d’affetti). C’est toute une carte du Tendre qu’arpente avec son ténor piquant, presque rêche, Marc Mauillon. Ténor ? On le sait aussi baryton, mais il appartient à cette race de chanteurs où le mot, et son émotion, imposent leurs couleurs à la voix. Écoutez un peu Odi, Euterpe où le désir se trousse si vivement sous la plume de Caccini. Il faut le vivre.

Je ne me lasse pas de ce voyage vers l’intime, de sa sensualité aigüe, de son imaginaire torturé, ni de cette voix qui profère et anime, pas plus de cette arpa doppia dont les registres conduisent si bien ce style qui, dans sa permanence même, passe d’un siècle à l’autre, rendant le cours du temps invisible. Et si c’était le plus bel album de Marc Mauillon, sa plus belle « présence », depuis ses Machaut ?

LE DISQUE DU JOUR

La Storia di Orfeo
Extraits des versions de L’Orfeo composées par Claudio Monteverdi, Luigi Rossi, Antonio Sartorio

Philippe Jaroussky,
contre-ténor
Emőke Baráth, soprano
Coro della Radiotelevisionne svizzera
I Barocchisti
Diego Fasolis, direction
Un album du label Erato 0190295851903
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Balletti e Sonate
Lodovico Viadana (1560-1627)
Canzon francese
Salomone Rossi (1570-1630)
Sinfonia grave a 5
Gagliarda a 5 detta la Norsina
Passeggio d’un balletto a 5
Gagliarda a 5 detta la Massara
Sinfonia a 5
Sinfonia prima
Sonata dudodecima sopra la Bergamasca
Tirsi mio, caro Tirsi
Sinfonia undecima (in echo)
Anima del cor mio
Corrente terza
Brando primo

Sonata prima
Sonata in Dialogo detta la Vienna
Claudio Monteverdi (1567-1643)
Tempro la cetra
Il Ballo delle Ingrate (Ballo)
L’Orfeo, SV 318 (extraits)
Biagio Marini (1594-1663)
Sonata sopra « Fuggi, fuggi dolente core »
Giuseppino del Bialo (fl. 1600)
Fuggi, fuggi da questo cielo
Gasparo Zanetti (1600-1660)
La Mantovana

Zachary Wilder, ténor
Clematis
Un album du label Ricercar RIC 377
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Li due Orfei
Jacopo Peri (1561-1633)
Tu dormi, e’l dolce sonno
Tra le donne onde s’onora
Un dì soletto
Tutto ’l dì piango
Al fonte, al prato

Giulio Caccini (1551-1618)
Dolcissimo sospiro
A quei sospir ardenti
Mentre che fra doglie e pene
Vedrò’ l mio sol
Amarilli mia bella
Tutto’ l dì piango
Odi, Euterpe
Movetevi a pietà
Torna, deh torna [Romanesca]
Perfidissimo volto
Non ha’ l ciel cotanti lumi
Pien d’amoroso affetto

Luzzasco Luzzaschi (ca. 1545-1607)
Toccata del quarto tono
Canzona
Alessandro Piccinini (1566-1638)
Aria di sarabanda in varie partite (extrait du « Intavolatura di Liuto e di Chitarrone, Libro Primo, Bologna 1623)

Marc Mauillon, ténor
Angélique Mauillon, harpe
Un album du label Arcana A393
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Photo à la une : © DR

Trop malheureux Glaucus

1986 : Erato enregistrait dans la foulée des représentations de l’Opéra de Lyon ce Scylla et Glaucus que Gardiner avait sorti de la poussière des bibliothèques en 1979, donnant l’ouvrage au concert à Londres. Quoi ! alors que Rameau développait son style ultime, un compositeur connu seulement jusque-là par une brillante série Continuer la lecture de Trop malheureux Glaucus