Trop malheureux Glaucus

1986 : Erato enregistrait dans la foulée des représentations de l’Opéra de Lyon ce Scylla et Glaucus que Gardiner avait sorti de la poussière des bibliothèques en 1979, donnant l’ouvrage au concert à Londres. Quoi ! alors que Rameau développait son style ultime, un compositeur connu seulement jusque-là par une brillante série

de Concertos et de Sonates pour son instrument, le violon, osait lui aussi une Tragédie Lyrique, alors que le genre semblait déjà condamné. Et ce coup d’essai fut un coup de maître.

À Lyon, Gardiner avait trouvé sa Circé : Rachel Yakar, brillante et sombre, campait une magicienne inoubliable aux Actes II et IV. Car c’est elle la véritable héroïne de cet opéra fastueux, cette autre Armide, cette autre Médée. On ne lui comparera pas celle de Caroline Mutel, voix plus modeste, timbre moins éclatant, sinon pour souligner qu’elle ne démérite pas, et va au feu avec une certaine ardeur.

Mais d’ailleurs, pourquoi regarder ce nouveau Scylla et Glaucus à l’aune de celui, miraculeux, de Gardiner ? Et bouder le plaisir intense que nous donne un couple d’amants finement appariés ? Style parfait, personnage complexe, art du chant subtil, Anders J. Dahlin relève sans crainte les défis posés par Howard Crook, un certain maniérisme en moins, le timbre de la jeunesse en plus ; Emöke Barath ne rend pas plus les armes devant l’exquise Donna Brown.

Si les musettes de Vincent Robin sonnent revêches à toute justesse mais avec d’autant plus de piment, la troupe assemblée par Sébastien d’Hérin est composée avec art – mention spéciales à Virginie Pochon et à Marie Lenormand qui parviennent à donner des visages aux silhouettes dont les a seulement dotées Leclair, tout entier concentré sur son trio amoureux.

Si le chœur est décidément modeste en face du Monteverdi Choir, la direction du jeune homme, tour à tour tendre et brillante, dramatique et poétique, n’ignore rien de ce chef-d’œuvre qu’est Scylla et Glaucus, et je goûte sans mélange le plaisir d’en avoir deux enregistrements dans ma discothèque.

LE DISQUE DU JOUR

cover scylla leclair alpha
Jean-Marie Leclair
(1697-1764)
Scylla et Glaucus

Emöke Barath, soprano (Scylla)
Anders J. Dahlin, ténor (Glaucus)
Caroline Mutel, soprano (Circé)

Virginie Pochon, soprano (Dorine, Vénus, une Bergère, une Sicilienne)
Marie Lenormand, mezzo-soprano (L’Amour, Témire)
Frédéric Caton, basse (Le Chef des peuples, Licas, Hécate)
Marie-Frédérique Girod, soprano (Une Fille)
Marina Venant, soprano (Une Dryade, Coryphée 1)
Sarah Jouffroy, mezzo-soprano (Coryphée 2)
Vincent Laloy, ténor (Propétide 1)
Pierre-Antoine Chaumien, ténor (Propétide 2, un Berger)
Jean-Baptiste Dumora, baryton (Un Sylvain)

Les Nouveaux Caractères
Sébastien d’Hérin, direction, clavecin

Un coffret de 3 CD du label Alpha 960
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Photo à la une : © DR