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Spiritualité

« Pater mi, Pater mi, si voviste votum Domino » supplie la fille de Jephté à l’adresse de son père. La voix est comme perdue dans un monde d’ombres et la réponse de son père sera quasi orphique Continuer la lecture de Spiritualité

Le premier opéra de l’Histoire

Quel autre thème que celui du pouvoir de la Musique sur toutes les forces, y compris les Enfers, aurait pu être le sujet de l’opéra originel ? En effet, L’Orfeo de Monteverdi est considéré comme le premier opéra de l’histoire (même si les puristes tiennent L’Euridice de Peri, de cinq ans plus vieux, pour le tout premier Continuer la lecture de Le premier opéra de l’Histoire

Théâtre des Passions

Toujours revenir aux Madrigaux, voilà l’éternel voyage de Rinaldo Alessandrini et de ses chanteurs. Une intégrale encore en cours – les Livres I, III et VII manquent – ne l’empêche pas en cette année du cinq-centième anniversaire de retourner à certains canti qui le hantent. Déjà voici douze ans, il offrait un album tout moire et deuil relisant le 6e Livre qu’il avait enregistré des années auparavant et qu’Arcana vient de rééditer (ici).

Aujourd’hui, tout en dévoilant une Sinfonia et un Madrigal du 7e Livre, c’est d’abord au 8e Livre, dont il a offert une version définitive (Naive, trouvez la magnifique édition en trois disques – livre agrémenté d’un essai de Richard Millet, toujours disponible ici) qu’il abreuve ses nouvelles recréations.

Visions nocturnes, entre amour et sang, blessures des guerres et des passions qui s’ouvrent sur la Sinfonia des Enfers de L’Orfeo, présage sinistre d’un disque très sombre dont la suggestive photo de pochette dit tout, cet élan contrarié, ce mouvement si baroque du cheval que la nuit engloutit.

Sommet de ce nouveau voyage à la lueur des flambeaux que tend le mystérieux concertato instrumental, le Combattimento, amer, âpre où l’on voit le sang couler, la passion dévorer, où Clorinde expire dans un violon qui tire jusqu’au bout le souffle de l’agonie par son archet. Quel théâtre si réaliste ! C’est mené autant par le Testo si juste, si mordant de Raffaele Giordano que par le geste expressionniste d’Alessandrini qui nous fait Monteverdi si moderne, nous le jette littéralement à la figure.

Tout le disque est de cette eau sombre, même lorsqu’il va au suave, on croirait voir un Caravage en mouvement, jusque dans les dis-harmonies qui ouvrent le Lamento della Ninfa et dans l’appel inextinguible que lance Anna Simboli, admirable désir qui refuse de se consumer.

Disque génial, probablement inépuisable, à mettre en regard de l’intégrale du 8e Livre d’il y a douze ans.

LE DISQUE DU JOUR

Night, Stories of Lovers and Warriors
Claudio Monteverdi (1867-1643)
L’Orfeo, SV 318 (extrait : Sinfonia de l’Acte III)
Il ritorno di Ulisse in patria,
SV 325 (extraits : Sinfonias de l’Acte I, Scène 2 et de l’Acte II, Scene 5)

Il Secondo libro di Madgrali
Ecco mormorar l’onde e tremolar le fronde, SV 51
Il Terzo libro di Madgrali
Vivrò fra i miei tormenti e le mie cure (Lamento di Tancredi), SV 72
II Sesto libro di Madrigali
A dio, Florida bella, il cor piagato, SV 110
Il Settimo libro di Madrigali
Al lume delle stelle, SV 138
Concerto (extrait : Sinfonia)
Madrigali guerrieri e amorosi (Madrigaux, Livre VIII)
Hor che’l ciel e la terra e’l vento tace, SV 147a
Così sol d’una chiara fonte viva, SV 147b
Sinfonia
Combattimento di Tancredi e Clorinda (Rappresentativo), SV 153
Lamento della ninfa, SV 163
Scherzi musicali, SV 233
Quando l’alba in oriente

Concerto Italiano
Rinaldo Alessandrini, direction

Un album du label Naive OP30566
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Photo à la une : © DR

Orfei

Monteverdi, Rossi, Sartorio, trois Orfeo auront marqué le XVIIe siècle, Philippe Jaroussky herborise de l’un à l’autre en bousculant la chronologie des trois ouvrages (1607, 1647, 1672) mais en retissant l’histoire d’Orfeo du début à la fin, Arcadie, mort d’Eurydice, voyage aux Enfers, salvation.

Si Possente spirto, le grand air orné où Monteverdi dépeint Orfeo charmant les esprits infernaux, le montre virtuose, inspiré mais parfois contraint par la tension de l’ambitus – les ténors peuvent y mettre plus de mordant -, dans tout le reste, il émerveille sans condition, et d’abord dans les airs de l’opéra de Sartorio qui semble un vrai chef-d’œuvre.

Injustice, si l’on a de belles intégrales du Monteverdi, si William Christie a ressuscité l’opéra de Rossi avec art, L’Orfeo de Sartorio n’a connu que deux versions très modestes qui n’en rendent pas compte, celle de Stephen Stubbs et son Teatro Lirico (Vanguard) et celle de René Clemencic, introuvables depuis des lustres.

En entendant la grande scène où Euridice tire Orfeo de son sommeil, je me dis que Philippe Jaroussky et son Euridice, Emőke Baráth, seraient bien inspirés de graver l’intégrale de l’œuvre, d’autant que Diego Fasolis et ses Barocchisti s’y engagent avec poésie et feu.

L’autre héros de cet album subtil et révélateur est une héroïne : écoutez seulement comment Emőke Baráth chante le déchirant « Mio ben, teco il tormento » du Rossi où semble passer l’ombre de Purcell. Impossible d’écouter simplement le disque dans sa chronologie, peu à peu je me suis pris au jeu, allant de Rossi à Sartorio, puis de Monteverdi à Sartorio, tissant mes propres correspondances.

Clematis et Zachary Wilder en restent quand à eux à Monteverdi et à son entourage mantouan. Toujours L’Orfeo mais côté balletti, ceux de l’opéra qui s’assemblent en une suite avec les Sinfonias et deux airs vifs. Comme La Moresca sonne pleine et leste ! Dans Tempro la cetra, les ornements, la virtuosité, les affetti mesurés mais brillants, indiquent que le madrigal monteverdien a trouvé en Zachary Wilder un nouvel Apollon.

Il est tout aussi vif et expressif lors des brèves injonctions orphiques, et soudain miel et ambre pour le sublime Tirsi mio, caro Tirsi coulé de la plume du véritable héros de ce nouveau disque de Clematis, Salomone Rossi. Ses deux autres madrigaux à voix seule, ses pièces instrumentales si élégantes et si touchantes, vous seront les guides d’un savant parcours dans la musique instrumentale à la cour de Mantoue : le jeu d’échos de la Canzon francese de Lodovico Viadana, la magnifique Sonata de Biagio Marini, La Mantovana de Zanetti trouvent dans les cordes frottées ou pincées de Stéphanie de Failly et de ses amis – écoutez seulement le lirone de Jérôme Huille – autant de voix entre plaisirs et mélancolies.

C’est à Florence, chez les Medicis, à l’orée du XVIIe siècle, que nous entrainent Marc et Angélique Mauillon, voix et arpa doppia, pour illustrer l’art des deux Orphée toscans, Jacopo Peri et Giulio Caccini (surtout lui, maître des canti maniéristes, quasi inchantables à force d’ornements et d’affetti). C’est toute une carte du Tendre qu’arpente avec son ténor piquant, presque rêche, Marc Mauillon. Ténor ? On le sait aussi baryton, mais il appartient à cette race de chanteurs où le mot, et son émotion, imposent leurs couleurs à la voix. Écoutez un peu Odi, Euterpe où le désir se trousse si vivement sous la plume de Caccini. Il faut le vivre.

Je ne me lasse pas de ce voyage vers l’intime, de sa sensualité aigüe, de son imaginaire torturé, ni de cette voix qui profère et anime, pas plus de cette arpa doppia dont les registres conduisent si bien ce style qui, dans sa permanence même, passe d’un siècle à l’autre, rendant le cours du temps invisible. Et si c’était le plus bel album de Marc Mauillon, sa plus belle « présence », depuis ses Machaut ?

LE DISQUE DU JOUR

La Storia di Orfeo
Extraits des versions de L’Orfeo composées par Claudio Monteverdi, Luigi Rossi, Antonio Sartorio

Philippe Jaroussky,
contre-ténor
Emőke Baráth, soprano
Coro della Radiotelevisionne svizzera
I Barocchisti
Diego Fasolis, direction
Un album du label Erato 0190295851903
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Balletti e Sonate
Lodovico Viadana (1560-1627)
Canzon francese
Salomone Rossi (1570-1630)
Sinfonia grave a 5
Gagliarda a 5 detta la Norsina
Passeggio d’un balletto a 5
Gagliarda a 5 detta la Massara
Sinfonia a 5
Sinfonia prima
Sonata dudodecima sopra la Bergamasca
Tirsi mio, caro Tirsi
Sinfonia undecima (in echo)
Anima del cor mio
Corrente terza
Brando primo

Sonata prima
Sonata in Dialogo detta la Vienna
Claudio Monteverdi (1567-1643)
Tempro la cetra
Il Ballo delle Ingrate (Ballo)
L’Orfeo, SV 318 (extraits)
Biagio Marini (1594-1663)
Sonata sopra « Fuggi, fuggi dolente core »
Giuseppino del Bialo (fl. 1600)
Fuggi, fuggi da questo cielo
Gasparo Zanetti (1600-1660)
La Mantovana

Zachary Wilder, ténor
Clematis
Un album du label Ricercar RIC 377
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Li due Orfei
Jacopo Peri (1561-1633)
Tu dormi, e’l dolce sonno
Tra le donne onde s’onora
Un dì soletto
Tutto ’l dì piango
Al fonte, al prato

Giulio Caccini (1551-1618)
Dolcissimo sospiro
A quei sospir ardenti
Mentre che fra doglie e pene
Vedrò’ l mio sol
Amarilli mia bella
Tutto’ l dì piango
Odi, Euterpe
Movetevi a pietà
Torna, deh torna [Romanesca]
Perfidissimo volto
Non ha’ l ciel cotanti lumi
Pien d’amoroso affetto

Luzzasco Luzzaschi (ca. 1545-1607)
Toccata del quarto tono
Canzona
Alessandro Piccinini (1566-1638)
Aria di sarabanda in varie partite (extrait du « Intavolatura di Liuto e di Chitarrone, Libro Primo, Bologna 1623)

Marc Mauillon, ténor
Angélique Mauillon, harpe
Un album du label Arcana A393
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Photo à la une : © DR

Ode funèbre

On se croirait dans L’Orfeo de Monteverdi. Une assemblée de bergers s’ébat dans une bucolique lorsqu’un messager survient, annonçant la mort de Stréphon ? De qui ? D’Henry Purcell en fait, que l’auteur de cette ode inventive va pouvoir pleurer, passant de la pastorale à la pompe funèbre Continuer la lecture de Ode funèbre