Bach de Pierre

La série des Concertos pour clavecin de Bach menée discrètement par Aapo Häkkinen et son Helsinki Baroque Orchestra invite pour son troisième volume l’ami Pierre Hantaï. Divine surprise d’une intégrale exemplaire qui fait Bach vivant et allègre, avec une vraie attention à ses polyphonies savantes, lui rend ses couleurs et surtout le débarrasse des raideurs qui auront trop souvent accompagné ce corpus, interprétations historiquement informées ou non.

Écoutez seulement le dialogue entremêlé du Largo du Concerto BWV 1060, ballet parfait, toucher impondérable, qui atteint une quasi abstraction. Mais lorsque le giocoso de l’Allegro du Concerto BWV 1061 paraît, quelle fête anime le modeste ensemble : à eux six, ils vous font un concert solaire.

Aux trois opus de Bach s’ajoute une merveille mais déjà d’un autre temps : le Concerto en fa majeur de Wilhelm Friedemann Bach, pourtant contemporain du Concerto a due cembali de son père, mais pétri d’Empfindsamkeit, développant derrière ses fantaisies ultramontaines un discours du sensible, des affects, une sensualité brillante et pourtant un peu inquiète où les deux amis font à eux seuls un orchestre plein de fantaisie. Ils devraient penser à nous offrir un plein album de ces concertos à deux clavecins qui fleurirent dans la littérature de l’instrument.

Autre sujet, et cette fois affaire de famille : les quatre Sonates écrites par Johann Sebastian Bach sur une distance de vingt ans pour le traverso et le clavecin où Pierre rejoint son frère Marc qui y ajoute la magnifique Partita pour flûte seule.

Celle-ci serait-elle le chef-d’œuvre le moins couru de Bach ? L’aurait-il écrite pour Buffardin alors en séjour à Dresde ? L’œuvre fascine par ses figures parfaites, où se mêlent les styles français et italien, suite de danses certes, mais aussi partition qui tend à une abstraction digne de L’Offrande musicale. Marc Hantaï la fait danser autant qu’il en ordonne les jeux savants, mettant en lumière la nudité de son discours.

Fascinant, tout comme les quatre Sonates avec clavecin ou basse continue, Pierre Hantaï choisissant toujours d’être seul avec son frère : ensemble, ils magnifient le discours, les danses, les formes en les essentialisant : plus un seul décor mais la perfection des textes rayonnant seuls. Cela suffit à faire de cet album l’un des tous grands disques Bach de ce début du XXIe siècle.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Concerto pour deux clavecins, cordes et basse continue en ut mineur, BWV 1060
Concerto en ut majeur, BWV 1061
Concerto en ut mineur, BWV 1062
Wilhelm Friedemann Bach (1710-1784)
Concerto pour deux clavecins en fa majeur, Fk 10

Aapo Häkkinen, clavecin, direction
Pierre Hantaï, clavecin
Helsinki Baroque Orchestra
Un album du label Aeolus AE-10087
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Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Sonate pour flûte et clavecin en mi majeur, BWV 1035
Sonate pour flûte et clavecin en si mineur, BWV 1030
Sonate pour flûte et clavecin en mi mineur, BWV 1034
Partita pour flûte seule en la mineur, BWV 1013
Sonate pour flûte et clavecin en la majeur, BWV 1032

Marc Hantaï, traverso
Pierre Hantaï, clavecin
Un album du label Mirare MIR370
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Photo à la une : © DR

La grâce

14 avril 2007, Théâtre des Champs-Elysées.
Pour qui Riccardo Muti phrase-t-il avec cette légèreté dorée toute l’introduction du Concerto pour clarinette de Mozart ? Pour Patrick Messina, qui entre comme en rêve, sonorité ailée, phrasé de chanteur, cherchant la nuance dolce dans les timbres d’une clarinette dont l’élégance est en soi une vertu absolument mozartienne. Et Riccardo Muti le laisse chanter sotto voce, guidant ses collègues du National dans un jeu éthéré, svelte, tout en subtilité : l’ensemble chante avec dans la sonorité comme l’azur d’un ciel de Tiepolo.

L’album est paru en 2012, trop discrètement distribué, il m’avait échappé. Si le Concerto, enregistré en concert et fêté par un public enthousiaste, permet d’entendre non seulement le timbre tendre de Patrick Messina mais aussi de tenir le seul enregistrement de l’œuvre selon Riccardo Muti, toujours souverain de clarté et d’élégance chez Mozart, le disque se complète avec le Quintette enregistré à Berlin, Studio Teldex, qui lui est idéalement apparié.

Tempo mesuré, jeu dolce, une confidence ouvre l’Allegro, tenu dans un seul souffle, les archets du Philharmonia Quartett Berlin fondant leurs timbres dans ceux, miellés, de cette clarinette pudique, qui même dans les épisodes de danse garde une nostalgie.

On est dans un jardin la nuit, c’est une musique de bosquet, puis soudain lorsque paraît le Larghetto en tempo fluide, La Comtesse chante, les notes de cette clarinette sont des mots. Derrière la beauté formelle du jeu, c’est tout l’esprit de Mozart que Patrick Messina et ses amis saisissent, avec une simplicité qui émeut.

Doublé parfait, album indispensable à toute discothèque mozartienne.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour clarinette et orchestre en la majeur, K. 622
Quintette avec clarinette et cordes en la majeur, K. 581

Patrick Messina, piano
Philharmonia Quartett Berlin
Orchestre National de France
Riccardo Muti, direction

Un album du label Radio France FRF009
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Photo à la une : Le clarinettiste Patrick Messina – Photo : © DR

Torpide

Sir Simon Rattle fut toujours gourmand de musique française, son album Debussy, dès son temps de Birmingham (Images, Jeux) l’aura prouvé, ses Ravel épurés surprennent toujours en bien aujourd’hui comme ceux de ce concert donné au Barbican le 13 janvier 2016 Continuer la lecture de Torpide