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Concerto d’opéra

Dans sa jolie note d’intention, Pierre Génisson souligne l’univers spirituel qu’il entend dans le Concerto pour clarinette écrit pour Stadler, soulignant la proximité en loge maçonnique des deux musiciens.

Mais l’écoutant phraser avec émotion, infusant dans sa clarinette une palette de timbres relevés de dynamiques subtiles, tout un théâtre des sentiments (et souvent cueillant le plus secret de Mozart dans des pianissimos irréels, l’Adagio est hors du temps, peut-être s’y glisse-t-il en effet un peu de métaphysique), je me dis que ce disque penche plutôt du côté de opéras.

D’ailleurs Mozart l’y invite, et Pierre Génisson lui donne raison en piochant chez Cherubino, Dorabella, Despina, mettant des mots dans son instrument si vocal, et savourant le grand trio de Così fan tutte, autre moment suspendu.

Lorsque Karine Deshayes s’invite, faisant entendre sa voix qui s’est libérée vers l’aigu, l’opéra rayonne à plein, Pierre Génisson lui faisant duo pour son Sesto, qui serait en scène encore une de ses incarnations majeures, mais aussi pour Vitellia. Quel Rondo !, où le clarinettiste joue un sombre cor de basset.

C’est l’autre secret de ce disque accompagné avec tant d’éloquence par Concerto Köln et le jeune Jakob Lehmann, les instruments : clarinettes modernes parfois (et conçues pour ce disque), copies des instruments de Stadler. Le plus beau de tous ? La clarinette de basset du Concerto, palette de timbres irréels si proche de la voix humaine, dont les micros de Maximilien Ciup saisissent avec art la chair et les soupirs.

Coda toute spirituelle, et fascinant. Pour le Lacrimosa du Requiem à deux voix (et en re-recording), Pierre Génisson se dédouble : la clarinette double le cor de basset, s’ajoutent un orgue, et un glockenspiel ? un célesta ? Vous le découvrirez ici, et pour les Parisiens en concert au Théâtre des Champs-Elysées le mercredi 6 décembre 2023. Magique.

LE DISQUE DU JOUR

Mozart 1791

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Le nozze di Figaro, K. 492 (extrait : Aria, « Voi che sapete » – arr. pour clarinette : Bruno Fontaine)
Così fan tutte, K. 588 (3 extraits : Aria, « Come scoglio » ; Terzetto, « Soave sia il vento » ; Aria, « Una donna a quindici anni » – arr. pour clarinette : Bruno Fontaine)
Concerto pour clarinette et orchestre en la majeur, K. 622
La clemenza di Tito*, K. 621 (2 extraits : Aria, « Parto, parto, ma tu ben mio » ; Recitativo accompagnato e Rondo, « Ecco il punto, o Vitellia … Non più di fiori vaghe catene »)
Requiem en ré mineur, K. 626 (extrait : VIII. Lacrimosa – arr. pour clarinette, orgue et Fender Rhodes : Bruno Fontaine)

Pierre Génisson, clarinette [de basset]
*Karine Deshayes, mezzo-soprano
Bruno Fontaine, claviers
Concerto Köln
Jakob Lehmann, direction

Un album du label Erato 5054197732331
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Photo à la une : le clarinettiste Pierre Génisson – Photo : © Emma Picq

La grâce

14 avril 2007, Théâtre des Champs-Elysées.
Pour qui Riccardo Muti phrase-t-il avec cette légèreté dorée toute l’introduction du Concerto pour clarinette de Mozart ? Pour Patrick Messina, qui entre comme en rêve, sonorité ailée, phrasé de chanteur, cherchant la nuance dolce dans les timbres d’une clarinette dont l’élégance est en soi une vertu absolument mozartienne. Et Riccardo Muti le laisse chanter sotto voce, guidant ses collègues du National dans un jeu éthéré, svelte, tout en subtilité : l’ensemble chante avec dans la sonorité comme l’azur d’un ciel de Tiepolo.

L’album est paru en 2012, trop discrètement distribué, il m’avait échappé. Si le Concerto, enregistré en concert et fêté par un public enthousiaste, permet d’entendre non seulement le timbre tendre de Patrick Messina mais aussi de tenir le seul enregistrement de l’œuvre selon Riccardo Muti, toujours souverain de clarté et d’élégance chez Mozart, le disque se complète avec le Quintette enregistré à Berlin, Studio Teldex, qui lui est idéalement apparié.

Tempo mesuré, jeu dolce, une confidence ouvre l’Allegro, tenu dans un seul souffle, les archets du Philharmonia Quartett Berlin fondant leurs timbres dans ceux, miellés, de cette clarinette pudique, qui même dans les épisodes de danse garde une nostalgie.

On est dans un jardin la nuit, c’est une musique de bosquet, puis soudain lorsque paraît le Larghetto en tempo fluide, La Comtesse chante, les notes de cette clarinette sont des mots. Derrière la beauté formelle du jeu, c’est tout l’esprit de Mozart que Patrick Messina et ses amis saisissent, avec une simplicité qui émeut.

Doublé parfait, album indispensable à toute discothèque mozartienne.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour clarinette et orchestre en la majeur, K. 622
Quintette avec clarinette et cordes en la majeur, K. 581

Patrick Messina, piano
Philharmonia Quartett Berlin
Orchestre National de France
Riccardo Muti, direction

Un album du label Radio France FRF009
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Photo à la une : Le clarinettiste Patrick Messina – Photo : © DR