Diversion

Can Çakmur, pour le premier volume de ce qui semble annoncer un cycle Schubert, enchâsse l’Opus 11 d’Arnold Schönberg entre deux Sonates de l’auteur de « La Truite ». C’est faire entrer le loup dans la bergerie et dévier assurément le projet.

L’intellect du pianiste turc et une certaine curiosité naturelle pour le croisement des répertoires auront produit jusque-là des albums éloquents, celui-ci est marqué d’un bémol. Non pour les Trois Pièces de Schönberg, où se marient une lecture aventureuse, un peu rapsode, avec un respect millimétré du texte, quadrature du cercle rendu possible par un art de timbrer qui déploie tout le mystère des Klangfarbemelodie, mais bien chez Schubert.

Si la Sonate en la mineur lui inspire un jeu d’une élégance certaine, rendant bien compte du demi-caractère de l’œuvre, si les échappées mystérieuses de l’Allegro ma non troppo sont envoûtantes comme il le faut, si le lied de l’Allegretto est divinement pesé, le Finale sera un peu sage, Can Çakmur l’entendant assez Mendelssohn.

C’est tout de même bien vu, et s’oppose en tout au ton anémié, à la langueur qui nient les grands déploiements de la Sonate en la majeur. Oui l’orage halluciné de l’Andantino y sera (mais la mélodie qui l’ouvre, comme comptée à la main gauche, n’a aucun mystère, et traîne), l’esprit ailé du Scherzo, un peu trop joli venant contredire cet instant fantasque, et là encore la barre de mesure… Rondo sagement commencé, joué joli aussi, tout uni, comme si le pianiste ne voyait rien que les notes mais jamais leurs ombres.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano en la mineur, D. 537
Sonate pour piano [No. 20]
en la majeur, D. 959

Arnold Schönberg
(1874-1951)
3 Klavierstücke, Op. 11

Can Çakmur, piano

Un album [SACD] du label BIS Records 2650
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Photo à la une : le pianiste Can Çakmur – Photo : © Muhsin Akgun