Lied à nu

Gustav Mahler avait pris soin d’écrire une partition chant piano de Das Lied von der Erde, on l’a cru perdue, on douta même de son existence, puisqu’une version de répétition existait, réduite pour le clavier par Josef von Vöss à la demande du compositeur.

Wolfgang Sawallisch finira par la retrouver et la créer au Japon puis à Munich, s’asseyant au piano qui fut son premier instrument, dans la foulée Cyprien Katsaris l’enregistra en première mondiale avec une stupéfiante Brigitte Fassbaender et un excellent Thomas Moser.

La version avec baryton, autorisée par Mahler (et peut-être préférée d’ailleurs), restait à enregistrer, la voici. Évidemment, Christian Gerhaher ne fait jamais rien comme autrui. Puisque le piano ne recréée pas l’orchestre mais induit une dimension intime singulière, il ne chantera pas au strict sens du terme. Il dira, voix quasi émaciée où les mots sont transparents aux émotions, timbre sur le fil qui marie sa légèreté trompeuse au jeu minimaliste de Gerold Huber.

Cette manière de décantation poétique s’augmente dans Der Abschied d’une élévation spirituelle qui plonge dans cette méditation douce amère à laquelle les sfumatos de l’orchestre ne manquent pourtant pas. Le disque à deux visages, celui de cette épure, et les trois lieder d’ivresse et de fantaisie confiés au ténor ravageur de Piotr Beczała. Lui chante, et semble appeler l’orchestre de son timbre cuivré, de ses élans débordants qui rappellent ceux de Fritz Wunderlich. Un autre monde dans le même album, qui rappelle que Mahler n’aura jamais entendu son Lied autrement qu’en se le jouant au piano, ce qui rend ce disque d’autant plus émouvant.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1860-1911)
Das Lied von der Erde

Piotr Beczała, ténor
Christian Gerhaher, baryton
Gerold Huber, piano

Un album du label Sony Classical 196587957025
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Photo à la une : © DR