Que cache ce disparate ? Par bribes, le texte de Nino Jvania sème quelques indices qui n’éclairent rien, abritant ce composite derrière l’argument générique de l’amour. Comprenne qui peut, en tous cas les œuvres choisies excluent l’idée d’un premier disque carte de visite.
Le fort tempérament de Giorgi Gigashvili, dont la science pianistique m’avait déjà alerté au long d’une homérique Première Sonate de Schumann éditée dans le coffret des concerts du Klavier-Festival Ruhr 2022, saisit à plein corps les Variations « Eroica » qui auront rarement sonné aussi symphonique, la puissance du geste n’excluant pas la subtilité du jeu : tout s’entend, texte comme sous-texte.
Un autre pianiste paraît soudain dans la Sonate en ut majeur de Scarlatti, main droite de guitariste, main gauche tambourin, une élégance, une vivacité dans l’esquisse qui stupéfient, autant que la guirlande un peu fandango de la Sonate en ré majeur d’un toucher à la fois impondérable et timbré, résultat d’un legato savant.
Soleils puis sortilèges : la « Messe Noire » de Scriabine, sans esbroufe, déploie son rituel implacable, et c’est un autre Scriabine qui refermera le disque, celui d’une Valse jouée comme en rêve, peinte en nocturne, l’envers absolu du démonisme de la Sonate. Quel toucher magique !, qui suffit à animer les Intermezzi de Brahms sans rien solliciter.
Sommet de cet album voulu épars, Le baiser de l’Enfant-Jésus qui déploie ses trilles de rossignols dorés à l’or fin, célébrant la pure magie digitale de cet artiste que j’aimerai bien retrouver dans un prochain disque monographique.
LE DISQUE DU JOUR
Meeting My Shadow
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Variations et Fugue en mi bémol majeur, Op. 35
« Eroica »
Domenico Scarlatti (1685-1757)
Sonate pour clavier en ut majeur, K. 487
Sonate pour clavier en ré majeur, K. 29
Alexandre Scriabine (1872-1915)
Sonate pour piano No. 9, Op. 68 « Messe Noire »
Valse en la bémol majeur, Op. 38
Olivier Messiaen (1908-1992)
Le baiser de l’Enfant-Jésus (No. 15, extrait des « Vingt regards sur l’Enfant-Jésus)
Johannes Brahms (1833-1897)
3 Intermezzi, Op. 117
Giorgi Gigashvili, piano
Un album du label Alpha Classics 930
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Photo à la une : le pianiste Giorgi Gigashvili – Photo : © DR