Deidamia

Pas celle présentée par Haendel au Royal Theater le 10 janvier 1741 !, mais celle de Francesco Sacrati, créee un siècle auparavant au Teatro Novissimo de Venise, miraculeusement retrouvée en 1984 dans la bibliothèque des princes Borromeo. Voici plus de trois siècles que cette Finta pazza (« La Fausse démente ») dormait sur l’Isola Bella.

C’est sur une autre île, celle de Scyros, que Deidamia tisse ses fils, jouant des égarements de sa raison pour circonvenir le bouillant Achille, lui faire reconnaître son fils et l’épouser. Formidable ouvrage, qui signait, au même titre que la trilogie monteverdienne, le début du premier âge d’or de l’opéra vénitien. La découverte de la partition produisit son lot de saisissements, dont plus que des proximités avec le duo final de L’incoronazione di Poppea.

Le livret brillant de Giulio Strozzi campe un personnage féminin d’une étonnante modernité, les machineries spectaculaires de Torelli, la musique, fabuleuse d’invention, et qui sacre la première scène de folie du genre lyrique, dont s’empara Anna Renzi, première prima donna vénitienne, firent de La finta pazza un des plus constants succès des scènes italiennes au XVIIe siècle, dont la renommée franchira les Alpes. Elle sera présentée à la Cour de France devant un Louis XIV de tout juste sept ans.

L’ouvrage codifie les canons de l’opéra vénitien, alternance de scènes tragiques et comiques, avec les topos de la nourrice libidineuse (formidable Marcel Beekman) et de l’eunuque qui ne l’est pas moins (Kacper Szelążek, étonnant) ; il offrait surtout à Anna Renzi un rôle qui rendait justice à sa musicalité comme à son sens dramatique.

Mariana Flores relève le défi avec sensibilité et brio, sa scène de folie est d’anthologie, on voit le personnage, et l’Achille ardent de Paul-Antoine Bénos-Djian un modèle ; à Carlo Vistoli revient Ulysse, chanté avec art et émotion, mais tous sont parfaits, portés par le geste plein d’imagination de Leonardo García Alarcón, distillant les charmes et les folies de son orchestre versicolore.

Où dorment Il Bellerofonte, Venere gelosa, La Semiramide in India, L’isola d’Alcina ? Il faudrait autant d’heureuses découvertes que celle connue par La finta pazza pour prendre la pleine mesure du génie de Francesco Sacrati, cet autre Cavalli.

LE DISQUE DU JOUR

Francesco Sacrati
(1605-1650)
La finta pazza

Mariana Flores, soprano (Deidamia)
Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor (Achille)
Carlo Vistoli, contre-ténor (Ulisse)
Valerio Contaldo, ténor (Diomede)
Alejandro Meerapfel, baryton (Licomede)
Kacper Szelążek, contre-ténor (Eunuco)
Marcel Beekman, ténor (Nodrice)
Salvo Vitale, basse (Capitano)
Julie Roset, soprano (Aurora, Giunone)
Fiona McGown, mezzo-soprano (Tetide, Vittoria)
Alexander Miminoshvili, baryton (Vulcano, Giove)
Norma Nahoun, soprano (Fama, Minerva)
Aurélie Marjot, soprano (Donzella 1)
Anna Piroli, soprano (Donzella 2)
Sarah Hauss, soprano (Donzella 3)

Cappella Mediterranea
Leonardo García Alarcón, direction

Un coffret de 3 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS070
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Photo à la une : le chef d’orchestre Leonardo García Alarcón et la soprano Mariana Flores – Photo : © Jean-Baptiste Millot