Conte noir

Sibelius aura résumé son art dans trois « narrations abstraites », non pas des symphonies, mais ce que faute de mieux l’on rapproche de l’idée de poème symphonique : En Saga, La Fille de Pohjola, Tapiola sont les trois balises de l’évolution d’une part de la pensée musicale de l’auteur des Océanides établie dès son chef-d’œuvre alpha : Kullervo.

Narration abstraite : La Fille de Pohjola est un conte noir, Sibelius en donne à entendre l’irruption de Väinämöinen, les sarcasmes de la jeune fille, musique du texte, mais son orchestre poursuit une abstraction symphonique qui capture l’atmosphère du poème et en transcende l’action par un processus compositionnel implacable : ici la construction d’un immense crescendo en trois paliers que Santtu-Matias Rouvali incarne avec une furia contrôlée sidérante : l’œuvre n’a pas connu une version aussi tellurique depuis celle, plus incarnée encore, de Leonard Bernstein à New York, la beauté de la formation de Göteborg et la plénitude de l’acoustique de sa salle en plus.

Tout le génie sibélien du chef finlandais tiendrait-il dans les poèmes symphoniques ? Probable, et pourtant cette fois les saveurs populaires, les odeurs de bouleau et de mousse de la Troisième, les lacis glaciaires de la Cinquième sont bien là, incarnés, plus d’une fois fascinants par le contrôle des dynamiques, le dosage des timbres, sinon par l’emportement du geste. Mais cette Fille de Pohjola les fait illico oublier.

LE DISQUE DU JOUR

Jean Sibelius (1865-1752)
Symphonie No. 3 en ut majeur, Op. 52
Symphonie No. 5 en mi bémol majeur, Op. 82 (version 1919)
La Fille de Pohjola, Op. 49

Orchestre Symphonique de Göteborg
Santtu-Matias Rouvali, direction

Un album du label Alpha Classics 645
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Photo à la une : le chef d’orchestre finlandais Santtu-Matias Rouvali – Photo : © Marco Borggreve