L’autre Knappertsbusch

Si le Ring et plus encore Parsifal sacrèrent Hans Knappertsbusch dieu absolu sur la Colline Verte, les habitués savaient qu’il réalisait une toute autre part de son art dans les Meistersinger. Son sens de l’humour légendaire, la tendresse lyrique dont il savait faire preuve, une certaine liberté même dans sa direction, trouvaient un terrain d’élection dans la comédie philosophique de Wagner.

En 1960, le plateau est d’un équilibre souverain, Josef Greindl donnant une épaisseur dramatique à son Sachs. On en aura connu de plus poètes, mais ce timbre sombre, immédiatement reconnaissable campe un personnage saisissant. Magnifique, Theo Adam étrenne son Pogner, chant admirable de noblesse auquel répond l’étonnante composition buffo du Kothner de Ludwig Weber : le temps était venu pour lui des emplois de caractère malgré un instrument toujours aussi superbe. Idem pour Karl Schmitt-Walter qui colore de sentiments ambigus son Beckmesser, le sauvant de toute caricature.

Génial, le David altier de Stolze, magistral le Walther de Windgassen qui détaille avec art l’évolution psychologique du personnage face à l’Eva alerte, mutine, subtile d’Elisabeth Grümmer au timbre éternellement juvénile. Tous seraient à citer, mais il faut décerner une mention spéciale à la Magdalena d’Elisabeth Schärtel, aussi finement chantée (quel beau mezzo) que jouée.

Knappertsbuch se régale, portant l’animation de l’Acte II à son comble, emportant avec panache les scènes chorales, et le concours à l’Acte III, montrant dans l’accompagnement des dialogues et des scènes intimes une subtilité dans les colorations, une fluidité dans la conduite, et dans les moments les plus lyriques une poésie élégiaque qui achèvent de rendre ces Meistersinger de 1960 inoubliables, d’autant qu’ils sont enfin rendus ici dans toute leur magnificence sonore, l’éditeur ayant travaillé avec soin d’après les bandes originales de la Radio Bavaroise.

LE DISQUE DU JOUR

Richard Wagner
(1813-1883)
Die Meistersinger von Nürnberg, WWV 96

Josef Greindl, basse
(Hans Sachs)
Theo Adam, baryton-basse
(Veit Pögner)

Wolfgang Windgassen, ténor (Walther von Stolzing)
Gerhard Stolze, ténor (David)
Karl Schmitt-Walter, baryton (Sixtus Beckmesser)
Elisabeth Grümmer, soprano (Eva)
Elisabeth Schärtel, mezzo-soprano (Magdalena)
Wilfried Krug, ténor (Kunz Vogelgesang)
Egmont Koch, baryton-basse (Konrad Nachtigall)
Ludwig Weber, basse (Fritz Kothner)
Heinz-Günther Zimmermann, ténor (Balthasar Zorn)
Harald Neukirch, ténor (Ulrich Essinger)
Hermann Winkler, ténor (Augustin Moser)
Frithjof Stenpaul, basse (Hermann Ortel)
Hans Günter Nöcker, basse (Hans Schwarz)
Eugen Fuchs, basse (Hanz Foltz)
Donald Bell, basse (Nachtwächter)

Chor und Orchester der Bayreuther Festpiele
Hans Knappertsbusch, direction
Enregistré à Bayreuth, le 23 juillet 1960

Un coffret de 4 CD du label Orfeo C917154L
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Photo à la une : le chef d’orchestre Hans Knappertsbusch – Photo : © DR