Flamboyant

Dans l’embrasement motoriste du Finale où des danses populaires se sur-impriment, soudain, après une brève cadence, le violoncelle s’échappe dans l’aigu pour une phrase déchirante de nostalgie. Martinů avait prévenu Pierre Fournier d’attendre qu’il ait révisé son Premier Concerto écrit dans l’ivresse de son séjour parisien : on était dans les années vingt qui voyait fleurir l’école de Paris dont l’autre héraut fut Alexandre Tansman qui partageait avec Bohuslav Martinů une écriture suractive ; le temps avait passé, et Martinů infusa dans l’œuvre une dimension lyrique qui aura envahi également tout son Deuxième Concerto.

Ecoutez ce Final et cet instant précis pour prendre la mesure du génie singulier que déploie Victor Julien-Laferrière, ce phrasé, cette émotion à fleur d’archet sans un gramme de pathos avant de faire à nouveau danser son violoncelle. Réussite majeure et qui se hausse exactement, une pointe d’ivresse en plus, au niveau du concert de Pierre Fournier avec l’Orchestre de la Suisse Romande et Wolfgang Sawallisch (Cascavelle).

Le disque serait-il d’ailleurs un hommage à Fournier ? Le jeune homme l’ouvre avec ce qui constitue pour tout violoncelliste le défi suprême, le Concerto d’Antonín Dvořák dont Pierre Fournier et George Szell auront signé la version moderne, celle de l’ancien monde ayant déjà trouvé Szell, mais face à Casals.

Le ton épique surprend, la sonorité conduite comme une voix idéalement placée, prompte à faire chanter la lyrique de violon que Dvořák exige de la grande caisse, semble à rebours du style moderne, tant l’espressivo guide un phrasé qui ose un vibrato contrôlé mais assumé. L’imagination des accents, la liberté de l’agogique, la fluidité avec l’énergie, l’exaltation et la poésie, tout ici signale un grand violoncelliste, et quel bonheur qu’il ait trouvé un chef de grand caractère et orchestre attentif pour le conduire dans ses deux opus tchèques si opportunément rassemblés dans un album qui doit faire date. Beau texte de Nicolas Derny.

LE DISQUE DU JOUR

Antonín Dvořák (1841-1904)
Concerto pour violoncelle et orchestre No. 2 en si mineur, Op. 104
Bohuslav Martinů
(1890-1959)
Concerto pour violoncelle et orchestre No. 1, H. 196

Victor Julien-Laferrière, violoncelle
Orchestre Philharmonique Royal de Liège
Gergely Madaras, direction

Un album du label Alpha Classics ALPHA731
Acheter l’album sur le site du label Alpha Classics ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : le violoncelliste Victor Julien-Laferrière – Photo : © Jean-Baptiste Millot