Les ultimes

Trois Sonates ? Rudolf Serkin ne l’entendait pas ainsi, qui au soir de sa vie, reprit l’habitude qu’il s’était fixé jeune homme ne pas jouer l’une sans l’autre et les deux sans la troisième.

Sunwook Kim les entend lui aussi comme un tout parfait où Beethoven dévore la forme sonate pour ouvrir sur un autre monde, il prendra le temps de tendre l’arche, se gardant de proclamer dès le portique de l’Opus 109, mais emportant le Prestissimo en effet en fulgurance avant que la longue prière du Gesangwoll ne résonne, surchargée d’émotion.

Cela pourra déconcerter ceux qui veulent leurs trois dernières tout de suite abstraites, Kim préfère creuser l’espace, raréfier le son : écoutez le dolce qui ouvre le Moderato de l’Opus 110 puis ce cantabile : on croirait Mozart qui joue, puis Schubert qui module ! C’est que Beethoven, avant de s’engager dans les paysages d’un autre monde résume dans la Sonate en la bémol majeur tout ce qui avait fait le piano viennois si singulier, de Haydn à lui-même sans oublier les compositeurs tchèques, Benda, Voříšek ou Tomášek. Ton de bagatelle pour l’Allegro molto, et joué comme tel, plein d’humeur, fouetté avant que l’Adagio ne nous fasse passer de l’autre côté du miroir.

Les notes se raréfient, l’arpège semble une citation de la « Tempête », la fugue pourra venir, comme une ascension vers un ailleurs où le portique de la Trente-Deuxième ne tonnera pas, interrogera plutôt. L’Arietta comme venue d’un autre monde, pianissimo, sera cette libération que peu auront modelé dans une telle lumière.

Ce disque est un voyage.

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 30 en mi majeur, Op. 109
Sonate pour piano No. 31 en la bémol majeur, Op. 110
Sonate pour piano No. 32 en ut mineur, Op. 111

Sunwook Kim, piano

Un album du label Accentus Music ACC30527
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Photo à la une : le pianiste Sunwook Kim – Photo : © Marco Borggreve