Motets stellaires

Depuis la sensation produite par ses surprenantes Messes brèves, Bach est un des objets de l’art de Raphaël Pichon. La lumière zénithale, la souplesse des voyelles, l’élancement des phrasés qui signaient déjà la singularité de celles-ci éclatent dans les six Motets qu’il paysage avec quelques opus aux saveurs archaïsantes signés Gabrieli, Bertolusi ou Gallus, manière de souligner ce grand saut vers l’avenir qu’officie Johann Sebastian Bach.

Le mot ici est tout, et par-dessus le mot le sentiment, l’affect, la couleur du mot, qui même au travers des volées de cloches en écho qui rythment Singet dem Herrn ein neues Lied, placé en postlude de l’album, conduisent cet Hermés aux pieds légers qui semble se substituer au Dieu chrétien.

Car enfin la sensualité toute italienne, les polyphonies à la Bernin, le mouvement vif qui envole les rythmes sont décidément romains plutôt que saxons et lorsque les instruments se joignent aux voix, cette impression se renforce encore. La spiritualité n’est pourtant pas mise à distance par ce geste d’abord éloquent, ces vocalisations athlétiques : le grand dialogue entre Dieu et le pêcheur dans Fürchte dich nicht est bien autre chose qu’une simple progression dramatique, le modelé si expressif du « Komm » commencé comme une invite suggérée puis de plus en plus impérieux au long de Komm, Jesu, komm, est tout aussi émouvant à force de plasticité et d’exactitude dans l’expression.

Voilà qui renouvelle un corpus souvent visité ces dernières années, avec pour moi un bémol, ou plutôt une absence, celle des voix d’enfants.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Lobet den Herrn, alle Heiden, BWV 230
Komm, Jesu, komm, BWV 229
Der Geist hilft unser Schwachheit auf, BWV 226
Fürchte dich nicht, ich bin bei dir, BWV 228
Jesu, meine Freude, BWV 227
Singet dem Herrn ein neues Lied, BWV 225
Vincenzo Bertolusi (ca. 1550-1608)
Osculetur me osculo oris sui
Hieronimus Praetorius (1560-1629)
Tulerunt Dominum meum
Jacobus Gallus (1550-1591)
Ecce quomodo moritur justus
Giovanni Gabrieli (1557-1612)
Jubilate Deo

Pygmalion
Raphaël Pichon, direction

Un album du label harmonia mundi HMM902657
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Photo à la une : Raphaël Pichon – Photo : © DR