Hier, Fazil Say donnait en une seule boîte toutes ses Sonates de Mozart, tissant entre elles le grand nocturne des andantes. William Youn poursuit la sienne avec ce quatrième volume, où l’évidence des lignes, la plénitude du cantabile, ce toucher varié et pourtant uni dans une couleur de nacre vont droit au cœur de ce qu’est le clavier de Mozart : pas un marteau mais un chanteur qui rêve, rit (le Rondo de la KV 281 est irrésistible), s’émeut. C’est vraiment joué par un Dieu.
Derrière le soin apporté au détail, derrière ce piano très préparé où se mire une réflexion tenue, pesée, sur le sens du texte paraissent pourtant une fantaisie, une imagination lyrique, des inflexions dans la ligne qui démontrent à quel naturel mozartien est parvenu ce jeune Coréen passé par les États-Unis, établi maintenant à Munich, que les mélomanes allemands reconnaissent comme un des leurs, et peut-être le plus parfaitement classique de leurs pianistes.
C’est merveille d’entendre son Mozart si désarmant de naturel, si avare d’effets, joué grand mais sans emphase, sur un magnifique piano réglé avec art : il donne à entendre ce que les Steinway modernes, si égalisés, perdent trop souvent, des registres, des couleurs à foison dont Youn n’a plus qu’à jouer avec parfois une gourmandise presque désinvolte : voyez simplement les nuances de l’Allegro de la Sonate KV 333.
Il reste encore un volume à venir puis l’intégrale sera bouclé, mais espérons que Dieter Oehms offrira à son pianiste un orchestre : impossible que William Youn ne rêve pas aux Concertos.
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Les Sonates pour clavier –
Vol. 4
Sonate pour piano No. 3
en si bémol majeur, K. 281/189f
Sonate pour piano No. 5
en sol majeur, K. 283
Sonate pour piano No. 13
en si bémol majeur, K. 333
Sonate pour piano No. 18 en ré majeur, K. 576
William Youn, piano
Un album du label Oehms Classics OC1856
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Photo à la une : © Irene Zandel