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Les Concertos de Karel

Une perle parmi ces gravures éparses commanderait de toute façon l’acquisition de cette belle petite boîte : le 2e Concerto de Chopin piaffé par un Wilhelm Kempff plein d’autorité, nonobstant quelques traits de travers dans le Finale, broutilles !, ajout majeur à sa discographie officielle où le compositeur des Mazurkas fut aussi modestement présent que parfaitement compris.

Le Chant du Monde l’avait fugitivement publié, Supraphon rend le concert dans toute la beauté d’une prise de son qu’on croyait jusque là étroite. Le geste du pianiste est vif avec constance, les rythmes prennent toujours le pas sur le cantabile, et les contrechants épicent la ligne mélodique, manière qui s’accorde au geste volontiers drastique de Karel Ančerl, comme aux verdeurs des Tchèques.

Cette direction si preste, et assez carrée en rebutera certains : Henryk Szeryng ne s’y retrouve pas pour un Beethoven oubliable, alors qu’à chaque fois le violon rhapsode d’Ida Haendel y gagne un cadre où discipliner son jeu et envoler son archet : leur Sibelius, leur Beethoven, le Stravinski sont simplement impérissables.

Les Russes sont omniprésents, Sviatoslav Richter toujours au diapason du chef, et comme lui jouant carré – écoutez d’abord le 1er de Tchaikovski et comparez le à la tempête de celui d’Emil GilelsMstislav Rostropovitch retrouvant pour le Dvořák l’élan de sa gravure princeps à Prague avec Václav Talich, mais plus animé encore par les tempos prestes que lui exige Karel Ančerl. L’accord est fulgurant avec David Oistrakh pour ce qui reste son plus lyrique enregistrement du Dvořák.

Et les Tchèques ? Plutôt qu’Eva Bernáthová, parfois égarée dans le Concerto en sol de Ravel – mais les sortilèges d’orchestre qu’Ančerl fait fuser valent d’être entendus – courrez au justement célèbre Premier de Prokofiev joué avec feu, élégance et humour par Ivan Moravec, et écoutez bien la leçon de style de Jan Panenka dans le Concerto de Schumann, pianiste trop oublié, dont l’art dépassait le seul domaine chambriste.

LE DISQUE DU JOUR

Karel Ančerl
Live Recordings Concertos

CD 1
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en ut majeur,
Op. 15 (1956)

Concerto pour piano et orchestre No. 3 en ut mineur,
Op. 37 (1962)

Sviatoslav Richter, piano – Orchestre Philharmonique Tchèque

CD 2
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 61 (1966)
Henryk Szeryng, violon – Orchestre Philharmonique Tchèque
Robert Schumann (1810-1856)
Concerto pour piano et orchestre en la mineur, Op. 54 (1955)
Jan Panenka, piano – Orchestre Philharmonique Tchèque

CD 3
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 61 (1957)
Jean Sibelius (1865-1957)
Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Op. 47 (1957)
Ida Haendel, violon – Orchestre Philharmonique Tchèque

CD 4
Franz Liszt (1811-1886)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en mi bémol majeur, S. 124 (1954)
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en si bémol mineur, Op. 23 (1954)
Sviatoslav Richter, piano – Orchestre Philharmonique Tchèque

Frédéric Chopin (1810-1849)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en fa mineur, Op. 21 (1959)
Wilhelm Kempff, piano – Orchestre Philharmonique Tchèque

CD 5
Antonín Dvořák (1841-1904)
Concerto pour violoncelle et orchestre No. 2 en si mineur,
Op. 104, B. 191 (1952)

Mstislav Rostropovich, violoncelle – Orchestre Philharmonique Tchèque
Concerto pour violon et orchestre en la mineur, Op. 53, B. 108 (1950)
David Oistrakh, violon – Orchestre Symphonique de la Radio de Prague

CD 6
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en si bémol mineur, Op. 23 (1953)
Emil Gilels, piano – Orchestre Philharmonique Tchèque
Maurice Ravel (1875-1937)
Concerto pour piano et orchestre en sol majeur, M. 83 (1959)
Eva Bernáthová, piano – Orchestre Philharmonique Tchèque

CD 7
Francis Poulenc (1899-1963)
Concerto pour deux pianos et orchestre en ré mineur, FP 61 (1960)
Juliane Lerche, piano – Ingeborg Herkomer, piano – Orchestre Philharmonique Tchèque
Igor Stravinski (1882-1971)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, K053 (1962)
Ida Haendel, violon – Orchestre Philharmonique Tchèque
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en ré bémol majeur, Op. 10 (1962)
Ivan Moravec, piano – Orchestre Philharmonique Tchèque

Karel Ančerl, direction

Un coffret de 7 CD du label Supraphon SU4349-2
Acheter l’album sur le site du label Supraphon, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : le chef d’orchestre Karel Ančerl, avec son ainé
Václav Talich – Photo : © DR

Anatomie d’un génie

Lorsque à l’hiver 19711972, Paavo Berglund prit la direction musicale de l’Orchestre Symphonique de Bournemouth, l’objet de son art était déjà Sibelius, au disque même : en 1968, avec sa formation de la Radio finlandaise Continuer la lecture de Anatomie d’un génie

Le violon de Britten

Pour le Concerto pour violon de Benjamin Britten, longtemps mal aimé au disque et gravé par les seuls Mark Lubotsky et Ida Haendel (et en concert par Wanda Wilkomirska qui y était fabuleuse, une captation sous la baguette de Witold Rowicki a été révélée voici peu), la cause est désormais entendue : il est entré au répertoire de tous les grands violonistes de la nouvelle génération qui se battent pour l’enregistrer, Frank Peter Zimmermann en ayant signé la version absolue. Continuer la lecture de Le violon de Britten

Nikolaï et Igor

On l’oublie, Nikolaï Malko, pur produit de l’école de direction impériale qui avait parfait son art auprès de Felix Mottl à Munich, était d’abord un moderniste, créateur de la Première Symphonie de Chostakovitch et soutient actif du jeune Stravinski. Continuer la lecture de Nikolaï et Igor

De l’art de bien rééditer, Vol. 17 : Ida Haendel, le violon parle

La belle idée ! Supraphon regroupe en un joli coffret tous les disques que lui consentit Ida Haendel entre 1957 et 1965, alors même qu’elle se trouvait au sommet de son art et pas encore tout à fait au zénith d’une carrière qui se poursuivra jusqu’au XXIe siècle. Continuer la lecture de De l’art de bien rééditer, Vol. 17 : Ida Haendel, le violon parle