Depuis quelques années, Sir Simon Rattle remet sur le métier son Pelléas et Mélisande. J’avais espéré la publication des concerts avec le Philharmonique de Berlin où Peter Sellars appliquait déjà sa mise en scène-espace – cela devait paraître en DVD Continuer la lecture de Royaume perdu
Archives par mot-clé : Claude Debussy
Correspondances
La belle idée, et qui ne s’est guère courue au disque ; mettre en regard Debussy et Szymanowski avec le prétexte des Masques de chacun. Ceux de Debussy viennent de Fragonard, de Watteau mais aussi d’un certaine Italie, ils ont un ton de fêtes galantes, des ivresses de carnaval ; ceux de Szymanowski sont des portrait voluptueux ou cruels où le compositeur d’Harnasie raffine son écriture de clavier jusqu’à la rendre impossible : on y trouve certaines des choses les plus difficiles à jouer mais aussi à comprendre du répertoire pianistique du XXe siècle, Sviatoslav Richter en était fasciné, y voyait des correspondances avec le Ravel des Miroirs et de Gaspard de la nuit.
Cathy Krier les joue à la pointe sèche éclairant les rythmes complexes, les harmonies astringentes, mais elle parvient aussi à faire paraître des personnages : on voit Shéhérazade (un peu Lorelei quand même, on perçoit en effet le parallèle possible entre Tantris et Alborada (ils sont strictement contemporains), et la Sérénade de Don Juan est emmenée avec aplomb. Quelle pianiste que cette jeune femme qui n’a peur de rien et compose toujours ses disques avec une telle acuité.
Même si j’aurais bien suivi Richter dans son idée de confronter le Polonais avec le Basque, je me laisse emporter par les deux Livres d’Images tels qu’elle les anime, clavier léger ou tout se reflète, éminemment debussyste même dans ces transparences qui font tout entendre sans que le mystère ne se dissolve. Et pour Masques, c’est l’ivresse pure et avec un chic !
Osera-t-elle le face-à-face des Miroirs et des Métopes ?
LE DISQUE DU JOUR
Claude Debussy (1862-1918)
Images, Livre I, L. 110
Images, Livre II, L. 111
Masques, L. 105
Karol Szymanowski
(1882-1937)
Masques, Op. 34
Cathy Krier, piano
Un album du label Cavi-Music LC15080
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Photo à la une : © DR
Simplicité
Ce n’est pas la première fois que François Chaplin, si justement fêté dans Debussy, vient au piano viennois. Ses Impromptus de Schubert, subtilement intranquilles, montraient déjà une adéquation avec cette langue si singulière. Le voici au début de ce que j’espère un parcours Mozart, avec deux grands concertos dont la discographie est pléthorique, et un orchestre modeste mais si justement accordé à son propos : la simplicité de son geste, une sorte de pureté sans raideur s’y reflètent dans ce que tout concerto de Mozart est d’abord : une grande musique de chambre.
Adieux donc les accents pathétiques, les grands gestes qui voudraient faire croire que Beethoven s’était glissé à priori et contre toute chronologie, chez Mozart pour les concertos en vingt, le discours du sensible, et une certaine tendresse qu’on trouvait jadis chez Lili Kraus et chez Ingrid Haebler dans ces deux mêmes opus, règlent tout, enveloppent tout dans une pudeur qui commande des tempos jamais étales : le célèbre Adagio du la majeur ne dissout rien, mais chante très allant pour que sa peine soit plus irrépressible justement à force de pudeur : la petite musette consolatrice des bois peut paraître alors, si logique, si désarmante, comme si un ensemble de Cosi fan tutte venait là soudain.
Pour le la majeur, la cause est gagnée, mais figurez-vous que pour l’ut mineur aussi. Débarrassé de ses références à Don Giovanni, dés-assombri, François Chaplin y traque avec des discrétions de poète toutes les demi-teintes, les repentirs, les hésitations que tant de pianistes auront raidis en déclamant, se prenant eux aussi pour l’orchestre du tutti qui ouvre l’Allegro.
Hors, François Chaplin rentre piano et interroge comme peu l’auront fait, sans rien alourdir. Tout du long, cet art de la suggestion change drastiquement le visage de l’œuvre, comme jadis le fit en concert plus qu’en ses disques Murray Perahia. Cette manière de jouer dans le retrait du son, de laisser tout suggérer, de ne rien souligner, Cédric Tiberghien la possède aussi, il viendra probablement aux concertos un jour, mais c’est François Chaplin qui dans nos pianistes français aura le premier tenté cette réappropriation par le tendre, cette éclaircie par le sensible, vertus éminemment mozartiennes qu’on ne voulait plus voir, surtout plus faire entendre.
Ah, autre chose : écoutez la cadence de l’Allegro de l’ut mineur, de la main du pianiste. Elle fera flores.
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre No. 23 en la majeur, KV 488
Concerto pour piano et orchestre No. 24 en ut mineur, KV 491
François Chaplin, piano
Orchestre Victor Hugo Franche-Comté
Jean-François Verdier, direction
Un album du label Aparté AP160
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Photo à la une : © Caroline Doutre
Doublé d’ombres
À soixante-six ans, Jorge Federico Osorio aurait-il atteint ce détachement qui fait les tout grands pianistes ? Non qu’il ne fut jusque-là un musicien remarquable, chez lui chez Beethoven comme chez Ponce, maîtrisant les pages les plus sombres du Concerto pour la main gauche de Ravel comme la virtuosité sarcastique du Premier Concerto de Prokofiev. Continuer la lecture de Doublé d’ombres
1905
Les Miroirs sont une de mes obsessions, c’est avec eux que Fanny Azzuro ouvre son disque regroupant trois opus « de » l’année 1905. Les Noctuelles, partition fascinante dont la graphie est si saisissante car on y voit exactement ce que l’on y entend Continuer la lecture de 1905