Hommage flamboyant

Sir Thomas Beecham choisissait son répertoire. Ennemi des intégrales, il herborisait chez ses compositeurs favoris plus ou moins : plus pour Delius, moins pour Brahms. Pourtant, ses nombreuses interprétations – au studio ou en concert – de la Deuxième Symphonie montraient mieux que des affinités, du génie. Aucune trace d’une autre des quatre symphonies ? Si, la Troisième à New York, avec le Symphony of the Air, pour un concert en hommage à Arturo Toscanini, le 23 janvier 1957.

Incroyable coulée de lave soulevée appassionato par un volcan qui éructe : c’est Beecham lui-même encourageant, à force d’éclats de voix et de coups de talon sur l’estrade, des musiciens qui se surpassent. Mais qui oserait faire aujourd’hui la Troisième de Brahms ainsi, y prendre de tels risques, y imposer une urgence aussi fulgurante ? Seigneur !, Sir Thomas avait mangé du lion ce jour-là, comme le prouve aussi une Marche troyenne invraisemblable où, à nouveau, il donne de la voix, galvanisant les cuivres.

Soirée de folie, vraiment très peu funèbre. L’hommage était probablement dans l’ardent modelé qui fait frémir un somptueux Dernier printemps de Grieg, prélude à l’éruption cataclysmique. Inouï, insensé, inoubliable et enfin révélé.

LE DISQUE DU JOUR

Sir Thomas Beecham
Vol. 1

Edvard Grieg (1843-1907)
Letzter Frühling
(No. 2, extrait des « 2 Mélodies élégiaques, Op. 34 », orch. Grieg)

Johannes Brahms
(1833-1897)
Symphonie No. 3 en fa majeur, Op. 90
Hector Berlioz (1803-1869)
Marche troyenne, H. 133B

Symphony of the Air
Sir Thomas Beecham, direction
Concert à la mémoire d’Arturo Toscanini, New York, 23 janvier 1957

Un album du label St Laurent Studio YSL 765-T
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Photo à la une : Le chef d’orchestre Sir Thomas Beecham – Photo : © DR

Duo de bois

Quel étrange album qui aligne Richard Strauss, Beethoven et Glinka. Un fourre-tout ?

Non, juste le projet de deux souffleurs qui s’entendent à merveille : la clarinette de Sarah Watts et le basson de Laurence Perkins nous font le plus délicieux des Duett-Concertino de Strauss qui soit paru depuis longtemps, Sian Edwards et le Royal Scottish leur tissant un écrin assez Capriccio – la harpe n’y est pas pour rien – tous rêvant cette bucolique que certains trouvent bavarde. Ici, elle devient un délicieux caprice, plein d’esprit, de formules baroques, de tendres replis, un jardin de musique qui embaume de ses notes.

Après cette entrée merveilleuse, le grand Trio de Beethoven, qui est en fait une sérénade enchâssant un magnifique Thème et Variations, invite Mozart, le piano de Martin Roscoe le conduisant large, laissant tout le temps au cantabile de l’Adagio, piquant en danse le Tempo di Minuetto, tout un monde qui n’est pas celui de Beethoven y paraît, rappelant à quel point l’esprit viennois forma sa langue. Merveille désarmante de poésie et d’abandon.

Et finir l’album avec le Trio pathétique de Glinka, quelle belle idée ! C’est le plus schumannien des opus du grand Russe, chef-d’œuvre qui alterne brio et lyrisme, que l’on joue si rarement et auquel nos trois amis d’Albion mettent une finesse, des inventions de phrasés, une fantaisie, et quel perlé dolce dans le clavier de Martin Roscoe !

Disque inattendu, captivant.

LE DISQUE DU JOUR

The Princess & the Bear

Richard Strauss (1864-1949)
Duett-Concertino, TrV 293
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Trio en mi bémol majeur pour clarinette, violoncelle et piano, Op. 38
Mikhaïl Glinka (1804-1857)
Trio pathétique en ré mineur

Sarah Watts, clarinette
Laurence Perkins, basson
Martin Roscoe, piano
Royal Scottish National Orchestra
Sian Edwards, direction

Un album du label Hypérion CDA68263
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Photo à la une : © DR