L’effrontée

Au cœur de cette guerre qui meurtrissait cruellement la Pologne, Grażyna Bacewicz, trente-cinq ans, écrivait une Ouverture fulgurante, pleine de bombes et d’éclairs, allant vers un giocoso qui semblait prévoir la victoire. Las !, on sait que la Pologne sera étouffée encore pendant des décennies par la monstruosité criminelle du communisme soviétique.

Le début amer, orageux de la Deuxième Symphonie composée dix ans plus tard s’extrait en quelque sorte de la chappe de plomb : elle regarde vers le sombre un peu doré des symphonies d’Honegger, son Scherzo roussélien retrouve la fabuleuse suractivité rythmique qui est la signature de son art. Avouons-le, avec cet opus, elle ouvrait une nouvelle page de la symphonie polonaise, mais personne ne l’y suivra, trop classique de coupe et d’écriture pour la nouvelle génération, celle de Tadeusz Baird, de Witold Lutosławski, son cadet d’à peine quatre ans qui lui aussi à cette époque soldait son propre « vieux monde » en mettant au net son Concerto pour orchestre.

De ce vieux monde, les brèves Variations, avec leur giocoso étrange, commencent à solder les comptes, Łukasz Borowicz fait bien entendre cet orchestre pointu, ces rythmes têtus, ces volutes abrasives, comme il fait entendre la profondeur harmonique de la Deuxième Symphonie : des lectures à la fois parfaitement radiographiées et incarnées y compris dans les nombreux réemplois de rythmes et de mélodies des Tatras, ce ferment qui parcourra toute l’œuvre de la Polonaise, y compris la radicale Musica sinfonica in tre movimenti.

L’orchestre chaotique hyper-coloré de ce chef-d’œuvre de l’ultime période de la compositrice demande des instrumentistes hyper virtuoses. Bacewicz adresse dans le Tesi initial un salut à la Mandragora de Karol Szymanowski. Le Dialogo est une fascinante symphonie de timbres que le Lutosławski des années 1970 n’eut pas désavouée (mais nous sommes en 1965). Le jeu de percussion qui ouvre le Gioco final signe la modernité effrontée de ce triptyque symphonique qui trouve enfin des interprètes à sa mesure.

LE DISQUE DU JOUR

Grażyna Bacewicz (1909-1969)
Complete Symphonic Works, Vol. 2

Ouverture pour orchestre
Symphonie No. 2
Variations pour orchestre
Musica sinfonica in tre movimenti

WDR Sinfonieorchester
Łukasz Borowicz, direction

Un album du label CPO 555660-2
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Photo à la une : le chef d’orchestre Łukasz Borowicz – Photo : © Katarzyna Zalewska