Ces Valses d’un chic fou qui pourtant s’autorisent des apartés, ces Préludes incendiaires, ces Etudes-poèmes dont la virtuosité transcendante passe inaperçue, cette Deuxième Sonate sans pathos, si moderne d’accents, de ton, voilà tout ce que Robert Lortat (1885-1938) aura légué au disque à l’orée de l’enregistrement électrique.
Tropisme Chopin pour cet élève de Diemer à la santé rendue fragile par son exposition au gaz d’hypérite sur la Somme, il sera le premier pianiste français à faire entendre toute l’œuvre de l’auteur des Mazurkas au public parisien en 1913 (celle de Fauré suivra), et au disque face à Cortot mieux qu’un concurrent, tout un autre monde.
Le style de ses enregistrements capture l’essence de son art ; la fluidité de son interprétation, la juste pesée des accents, les enchevêtrements des voix et le piqué des ornements mettent en œuvre une technique basée sur la parfaite maîtrise du double échappement, pleine de pédalisations d’autant plus subtilement utilisées qu’elles ne prennent jamais le dessus sur un admirable legato. Le Chopin de Robert Lortat chante dans une intense clarté polyphonique.
Ces faces inusables et toujours aussi peu reconnues nous reviennent dans de parfaits reports signés Mark Obert-Thorn, l’occasion probablement pour beaucoup de découvrir un mage oublié de l’univers Chopin.
LE DISQUE DU JOUR
The French Piano School,
Vol. 10
Robert Lortat
The Complete Chopin Recordings
Frédéric Chopin (1810-1849)
24 Préludes, Op. 28
Valse en mi bémol majeur,
Op. 18
3 Valses, Op. 34
Valse en la bémol majeur, Op. 42
3 Valses, Op. 64
2 Valses, Op. 69
3 Valses, Op. 70
Valse en mi mineur, B. 56
12 Études, Op. 10
12 Études, Op. 25
3 Nouvelles études, B. 130
Sonate pour piano No. 2 en si bémol mineur, Op. 35 “Funèbre”
Robert Lortat, piano
Un album de 2 CD du label APR 6042
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Photo à la une : le pianiste Robert Lortat – Photo : © DR