Nocturnes

Un lautari mélancolique emplit les premières pages de l’Allegro molto, avant qu’Enesco ne déploie un orage dans la feuillée, puis un oiseau triste viendra chanter, seul dans le jour qui tombe où menace un autre orage.

Tout Enesco pourrait être résumé dans ces onze minutes, le ton sombre de sa Première Sonate rappelle qu’il travaillait alors à une partie de l’orchestration de son Œdipe. Suivra une danse ivre que Cristian Sandrin envole, avant qu’un des nombreux jeux de cloches n’ouvre la divagation d’un Finale où s’infuse les souvenirs sonores d’une enfance entre villages et vallons.

Cette cloche obstinée fait un préécho à celle qui résonne aux premières mesure d’Oiseaux tristes, dont Cristian Sandrin, dans un clavier immatériel, augmente les mystères. Belle idée de faire succéder ces Miroirs antérieurs de dix ans à l’opus d’Enesco, qui les a entendus à Paris et les révérait. Sous les doigts de ce jeune pianiste roumain, les Noctuelles sont idéalement spectrales, La Barque sur l’océan sur le fil d’écume, et pour l’Alborada il se souvient du geste impeccable et du tempo fixe choisi par Dinu Lipatti : son phrasé, sans chercher à le cacher, s’inspire de ce disque justement légendaire. Jeux de timbres à nouveau pour introduire au mirage de La Vallée des cloches.

Secret de ce beau pianiste, en plus d’un touché magique, le nuancier raffiné d’une palette de peintre qu’il déploie pour les irisations des Five Poems de Cyril Scott. Quelle belle idée d’adjoindre à Enesco et à Ravel un peu du continent pianistique Scott, si oublié aujourd’hui et qui prolonge les univers de Debussy et de Ravel avec un art inventif, un sens visuel des notes.

Magique premier album d’un jeune homme à suivre.

LE DISQUE DU JOUR

Georges Enesco (1881-1955)
Sonate pour piano No. 1 en
fa dièse mineur, Op. 24

Maurice Ravel (1875-1937)
Miroirs, M. 43
Cyril Scott (1879-1970)
Poems

Cristian Sandrin, piano

Un album du label Antartica Records AR043
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Photo à la une : le pianiste Cristian Sandrin – Photo : © Yvonne Hartmann