Voyage à pieds nus

Un symphoniste, et je crois bien sans me tromper, l’un des plus éminents du XXe siècle, voilà qui semble en partie accompli auprès des musicologues sinon des mélomanes pour ce qui constitue la colonne vertébrale de l’œuvre d’Allan Pettersson. Ceux qui savent le génie du compositeur auront-ils la curiosité d’aller voir dans ses marges ?

Rien n’y est anecdotique, et surtout pas ses mélodies pourtant peu courues par les chanteurs, désintérêt inexplicable dont me console enfin le sublime album que consacre Peter Mattei à deux cycles contrastés.

Son baryton diseur et profond saisit toutes les ambigüités des Six Lieder, le second opus du compositeur, qu’il n’avait pas pensé comme un cycle et qui pourtant en forme bien un, encore immergé dans le romantisme nordique, multipliant les échos à Sibelius jusque dans un piano-paysage finement évocateur sous les doigts de Bengt-Åke Lundin, alors que la ligne de chant déjà impose le récit, toute diction.

Pettersson y trouvait déjà par éclipse le style autrement granitique et dépouillé de ce qu’il désigne clairement – les citations schubertiennes à peinée masquées font foi – comme son Winterreise : les vingt-quatre « mélodies à pieds nus ».

Simplicité de l’écriture strophique, minimalisme de la ligne mélodique, prédominance du mode mineur, rappellent que Pettersson se contente ici d’à peine dévier de chants populaires suédois. La succession de ces mélodies toute simples produit un envoûtement que Peter Mattei augmente par le ton monocorde de son chant mesuré, pénétrant, d’un poésie rude et désolée, qui va au cœur de ce chef-d’œuvre inconnu, lui rendant justice.

LE DISQUE DU JOUR

Allan Pettersson (1911-1980)
6 Lieder (1935)
Barfotasånger (1943-45)

Peter Mattei, baryton
Bengt-Åke Lundin, direction

Un album du label BIS Records 2584
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Photo à la une : © DR