Restauration et restauration

La musique de Draghi est perdue, part probablement considérable de ce « dramatic opera in five acts » qui sacra l’apogée du nouveau style musical florissant avec la Restauration entreprise par Charles II. Foin du puritanisme, les théâtres rouvraient, les musiciens s’émancipaient des rigueurs de la morale, le plaisir et la licence reprenaient possession des planches. Matthew Locke sera le parangon de cette renaissance des plaisirs, partageant la mise en musique de la pièce de Shadwell avec un confrère italien, pratique courante qu’il avait déjà mise en œuvre dans son Cupid and Death où la plume de Christopher Gibbons avait pris sa part.

Si le spectacle de Psyché se veut anglais, ses sources dramatiques sont françaises, Molière, puis Molière vu par Quinault pour la Psyché de Lully, et jusque dans sa musique transparaissent des couleurs versaillaises, ce que Sebastien Daucé et sa brillante troupe suggèrent.

Puisque les portées de Draghi ont disparu, ils iront chercher un peu d’ultra-montain dans le Lamento de la Psyché de Lully, choix logique et éclairant. Ailleurs, tout sera pris au bord de la Tamise, danses d’anonymes pleines de caractère, les cahiers de musique instrumentale de Locke augmentant considérablement les parties vocales que Philip Pickett assemblaient sur un seul disque pour L’Oiseau-Lyre en 1994, les paysageant de brèves pièces instrumentales de Draghi fatalement exogènes à Psyché. Seul avantage de la version pionnière, un anglais plus naturel.

Revisité ainsi dans de vastes largeurs, l’ouvrage prend toute l’ampleur d’un opéra en cinq actes inspiré par la tragédie lyrique mais dont la structure est infiniment plus libre, annonçant l’univers de haute fantaisie des Masques, rendant à Psyché son caractère pionnier où Blow et Purcell tremperont leurs plumes de théâtre.

La reconstitution est fastueuse, vraie restauration qui permet de prendre la mesure de cette œuvre magnifique. L’élan, les inventions, les caractères, la grâce des musiques de Locke trouvent dans le regard tendre et brillant que leur adressent Sébastien Daucé et ses amis, un souffle, une éloquence, une poésie qui ne voudront plus vous faire quitter ses enchantements.

Allez, maintenant Cupid and Death, qui depuis l’ancienne proposition madrigalesque d’Anthony Rooley espère retrouver un tel théâtre.

LE DISQUE DU JOUR

Matthew Locke (1621-1677)
Psyché. The English Opera

Caroline Weynants, soprano (Première Furie, Première Nymphe, Premier amant Élyséen)
Caroline Bardot, soprano (Seconde Furie, Première Femme, Seconde Nymphe, Trosième amant Élyséen)
Deborah Cachet, soprano (Seconde Femme, Troisième Furie, Proserpine, Deuxième amant Élyséen)
Lieselot de Wilde, soprano (Vénus, Seconde Furie)
Lucile Richardot, mezzo-soprano (Le grand Prêtre, Une femme affligée, Dieu de la Rivière, Quatrième Furie)
David Tricou, contre-ténor (Premier Cyclope, Premier Chanteur, Cinquième Démon)
Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor (Second Chanteur, Troisième Démon, Apollon)
Marc Mauillon, ténor (Second Homme, Troisième Cyclope, Mars, Sixième Démon)
Antonin Rondepierre, ténor (Premier Homme affligé, Praesul, Premier Chanteur)
Davy Cornillot, ténor (Second Chanteur, Quatrième Démon)
Nicolas Brooymans, basse (Pan, Premier Homme, Deuxième Homme affligé, Quatrième Cyclope, Pluton)
Renaud Bres, basse (Jalousie, Deuxième Cyclope, Deuxième Démon)
Étienne Bazola, basse (Vulcain, Premier Démon, Bacchus)

Ensemble Correspondances
Sébastien Daucé, direction

Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 905325.26
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Photo à la une : le chef Sébastien Daucé – Photo : © DR