Révolution Beethoven

L’œuvre d’un successeur de Mozart, le Premier Concerto ? Ceux qui le pensent vont avoir une sacrée surprise. Michael Korstick le piaffe, l’envole, le fait tonner, se régalant des rythmes et des humeurs avec une sorte d’insolence qui rend à l’écriture beethovénienne son caractère improvisé : on a le sentiment que l’encre en est à peine sèche.

Ce n’est pas le moindre des enseignements de cette intégrale quasi complète – manque hélas la Fantaisie – du piano concertant de Beethoven : venant après bien des lectures historiquement informées, ce à quoi le pianiste comme le chef et son orchestre ne sont audiblement pas indifférents, elle est tout aussi philologique par l’ardeur, l’élan, l’audace d’un jeu pianistique où la main gauche foudroie et la main droite persiffle.

Des gifles de son dans les deux premiers Concertos, de l’air, de l’espace aussi, et une fantaisie rapace qui fascine. Cet appétit de notes est vertigineux. Puis soudain dans le 4e cet atticisme, cette pureté, cette éloquence intemporelle qui après les médiations plus inquiètes du Troisième Concerto viennent d’un autre monde. Fascinant, tout comme L’Empereur, épuré et qui arde pourtant.

Dans le concerto déduit de celui pour violon, le pianiste ose tout, son inspiration déborde la partition, il se fait recréateur, alors qu’il aborde le Concerto n° 0 avec une tendre affection, et qu’il donne au torso du 6e une éloquence saisissante.

Au long de ce parcours éclairé, l’orchestre de Constantin Trinks rayonne, si viennois de timbre, idéalement accordé au geste visionnaire d’un beethovénien majeur de notre temps. Hier ses Sonates nous transportaient, comme aujourd’hui ses Concertos.

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en ut majeur, Op. 15
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en si bémol majeur, Op. 19
Concerto pour piano et orchestre No. 3 en ut mineur, Op. 37
Concerto pour piano et orchestre No. 4 en sol majeur, Op. 58
Concerto pour piano et orchestre en ré majeur, Op. 61a
Concerto pour piano et orchestre No. 5 en mi bémol majeur, Op. 73 “L’Empereur”
Concerto pour piano et orchestre en mi bémol majeur, WoO 4
Rondo pour piano et orchestre en si bémol majeur, WoO 6
Concerto pour piano et orchestre No. 6 en ré majeur, Hess 15

Michael Korstick, piano
ORF Vienna Radio Symphony Orchestra
Constantin Trinks, direction

Un coffret de 4 CD du label CPO 555447-2
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Photo à la une : le pianiste Michael Korstick – Photo : © DR