L’autre Haendel

On l’oublie trop, les Suites pour clavecin de Haendel furent la coqueluche des clavecinistes en leur temps. Depuis, l’univers Bach les avait effacées avant que Scott Ross quasiment ne les réinvente, merveille demeurée intangible. Pierre Hantaï, et aujourd’hui Francesco Corti au complet, les revisitent à nouveau avec bonheur.

Génie de Haendel à son clavecin, la mélodie, débordante, conquérante, délicieuse ou profonde, comme si tout son univers lyrique s’engouffrait dans le fragile instrument, élargissant prodigieusement son horizon. C’est ce débordement des sentiments que Francesco Corti retranscrit en employant un art ornemental expressif déduit des propositions de William Babell dont quelques transcriptions haendéliennes ouvrent le deuxième disque.

Tout un monde d’évocations et de transports que le claveciniste saisit avec une grâce infinie dans les splendeurs du Rasteli d’après Vater. Soudain les Andante et les Adagios sonnent très Grand Siècle, alors que les danses s’animent très XVIIIe. Le clavecin de Haendel, c’est aussi cela, cet entre-deux subtil. Mais c’est bien tout un théâtre qui s’anime ici, et logiquement quelques ouvertures d’opéras se glissent entre les Suites avec un naturel confondant.

Au fond, il ne manque ici que la voix humaine. Vous la trouverez dans le parfait compagnon de l’album des Suites, celui que Corti et il pomo d’oro consacrent à deux des plus belles Cantates de Haendel. C’est peu de dire que Kathryn Lewek est l’émotion même dans Armida abbandonata, et il faut entendre comment Corti accompagne ses désillusions, déjà rompu au théâtre de Haendel dont il a dirigé à la scène Radamisto et Agrippina.

Contraste total avec la brillante scène d’Apollo e Dafne, où John Chest tonne son Dieu avec aplomb, mais on cédera d’abord aux charmes décidément fascinants de la Dafne de Kathryn Lewek. Fabuleux orchestre, coloré, vibrant, infusant partout la vie du théâtre, jusque dans l’Ouverture et la Suite tirées d’Almira, confirmant le génie haendélien de Francesco Corti.

LE DISQUE DU JOUR

Handel: Winged Hands
The Eight Great Suites & Overtures

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Suite No. 1 en la majeur,
HWV 426

Rodelinda, HWV 19 – Ouverture (transcription pour clavecin seul)
Suite No. 2 en fa majeur, HWV 427
Il pastor Fido, HWV 8 – Ouverture
Suite No. 3 en ré mineur, HWV 428
Suite No. 4 en mi mineur, HWV 429
Suite No. 5 en mi majeur, HWV 430
Radamisto, HWV 12 – Ouverture (transcription pour clavecin seul)
Suite No. 6 en fa dièse mineur, HWV 431
Teseo, HWV 9 – Ouverture (transcription pour clavecin seul)
Suite No. 7 en sol mineur, HWV 432
Suite No. 8 en fa mineur, HWV 433
Rinaldo, HWV 7 – Ouverture et Aria “Lascia ch’io pianga” (transcription pour clavecin seul : William Babell)
William Babell (ca. 1690-1723)
Prélude, extrait du « First Set in F Major »

Francesco Corti, clavecin
Un album de 2 CD du label Arcana A499
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Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Overture in B-Flat Major,
HWV 336

Armida abbandonata,
HWV 105

Almira, HWV 1 (extraits : Ouverture ; Suite)
Apollo e Dafne, HWV 122

Kathryn Lewek, soprano
John Chest, baryton
il pomo d’oro
Francesco Corti, direction

Un album du label Pentatone PTC5186965
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Photo à la une : le claveciniste Francesco Corti – Photo : © Caroline Doutre