Journal intime

« Late Piano Works » proclame la pochette », et c’est bien dans un crépuscule que Paul Lewis joue les quatre ultimes cahiers d’un Brahms s’aventurant aux limites de la tonalité.

Pourtant, il ne le tire pas du côté des Modernes, comme le faisait Glenn Gould en herborisant dans les seuls Intermezzos, non, son Brahms reste dans le monde d’hier, il ose un rapprochement assez inédit avec le monde des Lieder. Le bref de ces haïkus de clavier les y confronte de nature, mais je n’avais pas jusqu’ici perçu que se tissaient entre le piano et l’imaginaire vocal de telles affinités électives.

Cela chante, contre-chante, dit autant qu’évoque, mais toujours dans ce crépuscule de sons, dans ces sfumatos où l’harmonie se diapre, et lorsque la nuance appassionato paraît, lorsque même des tempêtes se lèvent – le Capriccio introductif de l’Opus 116, la Ballade qui ferme l’Opus 119 – c’est l’envers lyrique du texte qui s’impose.

À mesure, l’album devient un univers total, les cahiers ne sont plus individualisés, je suis saisi par la main du voyageur qui m’emmène par ce sentier perdu, vers ces forêts sombres qu’ourle un crépuscule éternel.

Disque de poète assurément, et que l’on doit entendre comme on lirait, dans le propre silence imposé par la musique-même.

LE DISQUE DU JOUR

Johannes Brahms (1833-1897)
7 Fantasies, Op. 116
3 Intermezzi, Op. 117
6 Klavierstücke, Op. 118
4 Klavierstücke, Op. 119

Paul Lewis, piano

Un album du label harmonia mundi HMM902365
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Photo à la une : le pianiste Paul Lewis – Photo : © Kaupo Kikkas