Sans retour

Edwin Crossley-Mercer arpente depuis quelques temps déjà les sentiers perdus du Winterreise, parfois même avec Michel Dalberto. Recevant le bel album de Mirare qui met en regard les poèmes de Müller avec les visions enténébrées de Claudine Franck, je regrettais un peu de ne pas trouver le baryton en compagnie de celui-ci.

Erreur ! Dès le tempo parfait de Gute Nacht, Yoan Héreau contre-chante, distille sans ostentation émotions et couleurs. Il sera à la fois le guide et le paysage au long d’un voyage périlleux : timbre creusé, mots impérieux, le chant noble d’Edwin Crossley-Mercer côtoie ici les abîmes, et les regarde sans ciller, des larmes de glace dans les yeux, le pianiste n’est pas pour peu dans tout cela.

Miracle, enfin un baryton dont rien dans le timbre, ni dans les manières du chant, ne rappelle Fischer-Dieskau. L’âpreté des lignes jusque dans la somptueuse étoffe de cette voix semble remontrer à Gerhard Hüsch lui-même, lorsque faire ce voyage-là était d’abord un péril, une aventure, et pas une exégèse littéraire.

Avec un pianiste aussi présent, le chanteur montre d’évidence une réelle inspiration face à chaque texte, il n’y a rien à démontrer, vivre suffit, et mourir aussi : car il le faut, Edwin Crossley-Mercer, Leiermann revenu de tout, d’un chant sans plus aucune amertume (et Dieu sait qu’il y en aura eu, de l’hallucination de Die Krähe, au ton faussement bravache de Mut), conduit l’auditeur dans une nuit sans fin, refermant la porte derrière lui.

LE DISQUE DU JOUR


Franz Schubert
(1797-1828)
Winterreise, D. 911

Edwin Crossley-Mercer,
baryton
Yoan Héreau, piano

Un CD-livre, présentant vingt-quatre peintures de Claudine Franck,
du label Mirare MIR450

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Photo à la une : le baryton Edwin Crossley-Mercer – Photo : © Julien Benhamou