Avant Troie

Pour son Paride ed Elena, Calzabigi ne s’inspira pas d’Homère mais préféra déduire son livret de deux élégies attribuées un temps à Ovide, en fait un échange de lettres entre Hélène et Pâris, prétexte à opposer la réserve de celle qui n’est plus ici l’épouse de Ménélas, mais sa promise, aux ardeurs sensuelles du prince oriental.

Partition charmante, et mineure, qui signera la fin de la collaboration entre le poète et le musicien huit ans après le succès d’Orfeo ed Euridice. Les interprètes historiquement informés auront proposé deux versions en attribuant les deux rôles principaux à des sopranos, alors que Gluck avait écrit le rôle pour Giuseppe Milico, castrat qui défrayait la chronique des scènes lyriques viennoises.

À tout prendre, je préfère la transposition de Pâris du castrat au ténor, d’ailleurs l’ouvrage connut une première renaissance en Italie sous la direction de l’infatigable Mario Rossi qui confia le Prince troyen à Lajos Kozma, lui destinant une magnifique Elena, Magda László. Franco Bonisolli, qui pour Pâris a simplement la voix du bon Dieu, s’appropria le rôle dès 1973, donnant à Sienne la réplique à Katia Ricciarelli (l’enregistrement pirate de la représentation existe, cherchez-le).

Dix ans plus tard, il le gravait pour Orfeo, la voix n’ayant rien perdu de sa superbe, et le style, pour exotique qu’il paraisse entendu de nos jours, admirable de noblesse, dans le désir comme dans la crainte. Face à lui, l’Elena impérieuse, distante, et soudain troublée à l’idée du départ de celui qu’elle se cache d’aimer, incarnée avec art par Ileana Cotrubaș dont le timbre est une émotion, égale le souvenir impérissable laissé par Magda László.

Direction intense de Lothar Zagrosek qui force un peu la note, tirant cette intrigue psychologique vers ce qui aurait pu tourner au drame : la colère de Pallade, incarnée par une transcendante Gabriele Fontana, le dit assez, avant qu’une fin heureuse ne paraisse. Le joli Amore de Sylvia Greenberg ajoute ses charmes à cette version qu’il ne faut pas négliger.

LE DISQUE DU JOUR

Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
Paride ed Elena, Wq. 39

Franco Bonisolli, ténor (Paride)
Ileana Cotrubaș, soprano (Elena)
Gabriele Fontana, soprano (Pallade)
Sylvia Greenberg, soprano (Amore/ Eros)

ORF Chor und Symphonieorchester
Lothar Zagrosek, direction

Un album de 2 CD du label Orfeeo C1118842H
Acheter sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : © DR