Pure magie

Le grand vaisseau de sons nostalgiques se déploie, enserre comme autant de liane la voix d’une Brangäne qui se rêve Isolde. Quelle merveille, ces Wesendonk-Lieder irréels, vrais songes les yeux ouverts, qu’Elīna Garanča murmure ou déploie dans les soieries des Wiener Philharmoniker !

Ils ouvraient un concert où Christian Thielemann prouvait une fois encore qu’avec les Viennois, son art atteignait à la transfiguration. Bruckner est depuis leurs débuts ensemble l’objet et le sujet d’une collaboration qui célèbre autant d’affinités électives : le chef allemand engrange pour Sony Classical, après celle avec Dresde, une nouvelle intégrale des symphonies du « Ménestrel de Dieu », mais des captations vidéo commencent à paraître également.

Sa « Romantique » sans plus de pathos que de grandiloquence, mystérieuse, aux crescendos implacablement retenus qui tous vont vers la lumière, envolent les sons, est simplement inouïe, immense orgue d’orchestre dont les phrasés subtils, la tendance aux pianissimos, l’évocation d’une spiritualité silencieuse que les bois dorent de leurs sonorités de clarine et de chalumeau me transportent dans un autre monde.

Quelle poésie dans tout cela, et quelle magie dans la direction si économe de Christian Thielemann. Voir sa grande silhouette accentue encore le mystère de cette interprétation qui laissa le public de Salzbourg ébahi, comme si soudain l’esprit d’Herbert von Karajan revenait hanter le Festspielhaus.

LE DISQUE DU JOUR

Richard Wagner (1813-1883)
5 Gedichte für eine Frauenstimme (Wesendonck-Lieder), WWV 91
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 4 en mi bémol majeur, WAB 104
« Romantique »

Elīna Garanča,
mezzo-soprano
Wiener Philharmoniker
Christian Thielemann,
direction

Un DVD du label C Major Entertainment/Unitel Edition 805108
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Photo à la une : la mezzo-soprano Elīna Garanča et le chef d’orchestre Christian Thielemann, à Salzbourg en 2020 – Photo : © DR