Desdemona

Le spectacle pratique et sans complication de Vincent Boussard ne se veut pas immortel : tous les protagonistes en costume de l’époque de Shakespeare, l’omniprésence d’un voile, des lumières troubles, de tempête à peine, tout cela se voit, s’oublie, mais ne nuit ni au propos de Verdi ni-même à ce qu’il reste chez Boito de la dramaturgie de l’original.

Bémol, les images de scène sont peu aisément restituables par la caméra, autre bémol le Maure lui-même, offert à José Cura qui fut l’un des plus styléq parmi les ténors de sa génération (et avec une voix d’or et de miel en sa jeunesse). Trop tard, le timbre est en baryton, la justesse incertaine, les mots se délitent dans le vibrato, un constant effort voudrait tenir la ligne. Dans cette débâcle de sons, pourtant le personnage tour à tour impérieux ou hanté d’Otello paraît, incarnation de théâtre dont il faudrait oublier la voix.

C’est que lui répond la plus belle Desdemona entendue depuis des lustres, Dorothea Röschmann, blessée et pourtant ardente, risquant tout, déployant des aigus gorgés d’harmoniques, c’est elle le héros de cette soirée difficile.

On se doute que sa Vénitienne n’est pas précisément italienne, elle est même à l’inverse de l’ultime grande tenante du titre, Barbara Frittoli, loin des conventions du bel canto, aussi exotique, mais aussi émouvante, aussi irrésistible que le furent jadis une Grümmer, une Jurinac, merveille comme émergée d’un autre temps, de ce chant allemand qui avait conquis Verdi dès les années trente.

Ne serait-ce que pour elle, la représentation doit être vue, d’autant que le Iago de Carlos Alvarez – modèle de ligne noir, de chant où se lit la corruption du caractère -, le Cassio toutes voiles dehors de Benjamin Bernheim, et plus généralement, l’excellence de l’équipe font un ensemble assez saisissant auquel la sombre clarté de la Staatskapelle apporte une sourde angoisse, Christian Thielemann se souvenant qu’à Salzbourg-même, Wilhem Furtwängler fit son Otello si ample et si enténébré. Ce n’est pas la moindre leçon qu’on puisse en tirer.

LE DISQUE DU JOUR

Giuseppe Verdi (1813-1901)
Otello

José Cura, ténor (Otello)
Dorothea Röschmann,
soprano (Desdemona)
Carlos Alvarez, baryton (Iago)
Benjamin Bernheim, ténor (Cassio)
Christa Mayer,
mezzo-soprano (Emilia)
Georg Zeppenfeld, basse (Lodovico)
Bror Magnus Tødenes, tenor (Roderigo)
Csaba Szegedi, baryton (Montano)
Gordon Bintner, baryton-basse (Un héraut)
Sofia Pintzou, soprano (Un ange)

Sächsischer Staatsopernchor Dresden
Chœur d’enfants du Théâtre de Salzbourg

Staatskapelle Dresden
Christian Thielemann, direction
Vincent Boussard, mise en scène

Un DVD du label C Major Entertainment 740008
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Photo à la une : © DR