La Symphonie de Vienne

En août 2002, Yakov Kreizberg avec son Orchestre Philharmonique des Pays-Bas, enregistrait une version étreignante de la 4e Symphonie de Franz Schmidt, faisant jeu égal avec celle des Wiener Philharmoniker et du jeune Zubin Mehta. Je lui demandais lors d’un déjeuner à Monte-Carlo s’il souhaitait graver une autre symphonie de Schmidt. Il me répondit sans hésiter : « La Deuxième ». Quoi, après le requiem sans paroles de la 4e, son antithèse, cet hymne à la vie où tout l’orchestre s’enivre de ses sonorités ?

La mort en décida autrement. Quelle surprise de voir paraître aujourd’hui cette nouvelle version de la Deuxième Symphonie sous la direction de son demi-frère, Semyon Bychkov ! L’œuvre n’a jamais vraiment quitté le répertoire des Wiener Philharmoniker, y paraissant de loin en loin, deux captations en concert furent publiées jusqu’ici.

Celle volontairement « mahlérisée » dirigée par Dimitri Mitropoulos le 28 septembre 1958 – la soirée s’ouvrait avec la Verlklärte Nacht de Schönberg, l’année suivante le chef grec donnait au Festival de Salzbourg Das Buch mit sieben Siegeln – faisait entendre des Philharmoniker inspirés par une partition qu’ils avaient donnée sous la direction d’Oswald Kabasta pour la dernière fois en présence du compositeur le 11 février 1938.

Pourtant il m’a toujours semblé que la lecture la plus parfaite en fut donnée le 29 octobre 1983 sous la baguette avisée d’Erich Leinsdorf (le concert n’a été publié qu’une fois, dans le cadre d’un coffret du label Andante dédié à diverses captations des Wiener Philharmoniker, Andante AND4080). Une somptueuse stéréophonie ne participait pas pour peu à la réussite de l’entreprise.

La prise de son de Christian Gortz pour l’enregistrement que publie aujourd’hui Sony, nous immerge dans ce fleuve de sonorités, dans la touffeur polyphonique, dans le lacis des contrepoints qui permettent à Schmidt de faire de son orchestre une architecture en mouvement. Exactement la musique de l’Ancien Empire que célébrait alors Stefan Zweig en écrivant son Monde d’hier.

C’est magnifique d’abord par la spécificité des timbres des Wiener pour lesquels l’auteur du Livre des sept sceaux composait expressément – il fut violoncelliste au sein de l’orchestre de 1896 à 1911 – mais aussi pour l’intelligente fluidité qu’y met Semyon Bychkov.

Vous ne retrouverez pas ici l’élan vital de Mitropoulos ou la parfaîte maitrise d’Erich Leinsdorf, mais une ballade hédoniste dont toute la poésie se révèle au long d’écoutes renouvelées. La rêverie straussienne de Träumerei am Kamin, l’interlude qui sépare les 5e et 6e Scènes du Premier Acte d’Intermezzo, lors que Christine rêve à son jeune baron tout juste rencontré, fait à la symphonie un postlude bien vu.

J’espère que ce premier album signe le début d’une intégrale des Symphonies de Franz Schmidt, ce serait l’occasion pour les Wiener Philharmoniker d’enregistrer enfin les Première et Troisième et de revenir à la Quatrième.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schmidt (1874-1939)
Symphonie No. 2
en mi bémol majeur

Richard Strauss (1864-1949)
Intermezzo, Op. 72
(extrait : Interlude symphonique – Träumerei am Kamin)

Wiener Philharmoniker
Semyon Bychkov, direction

Un album du label Sony Classical 898535355522
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Photo à la une : © DR