Radical Roméo

Que faire de Roméo et Juliette, le grand ballet composé par Prokofiev à son retour en URSS ? Certains affirment qu’il y renonce à tout ce qui rendait son art « dégénéré » aux oreilles des édiles soviétiques.

Oui, mais voilà, il y a plusieurs Roméo et Juliette. Le Kirov ne voulut pas du ballet, impossible à danser, Prokofiev le reprit par deux fois, finalement les amants de Vérone moururent sur la scène de l’Opéra de Brno en 1938, les danseurs du Kirov, en traînant les pieds, y viendront deux années plus tard.

Au disque, l’œuvre aura connu des versions magnifiques, décors sonores enivrants ; jusque-là, seul Gennadi Rozhdestvensky y fit paraître le ballet, aujourd’hui Vasily Petrenko lui emboîte le pas : avec son Orchestre Philharmonique d’Oslo, il fait sonner l’action dansée voulue par Prokofiev avec une acuité, de timbres, d’accents, de rythmes, qui fait éclater toute la modernité de son écriture.

L’enfant terrible de la musique russe n’avait pas renoncé à son langage avant-gardiste, Petrenko le montre dans ses teintes crues, ses rythmes implacables, son discours âpre, ses dessins mélodiques cubistes, enflammant un orchestre qui n’est plus que théâtre, parfaitement capté par les micros d’Arne Akselberg.

Lecture radicale de ce qui devient vraiment un chef-d’œuvre, Petrenko y entendant les données primordiales de la partition, exhumant son original visage d’entre les polissages de la mouture ultime. Et maintenant, s’il vous plaît, Cendrillon.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Prokofiev (1891-1953)
Roméo et Juliette, Op. 64
(Ballet intégral)

Orchestre Philharmonique d’Oslo
Vasily Petrenko, direction

Un album de 2 CD du label LAWO LWC1105
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Photo à la une : © DR