Le grand Saxon

Tout un plein volume de gravures rares de Rudolf Kempe, l’aubaine ! Scribendum réunit des enregistrements essentiellement d’origine BASF, parfois parus fugitivement en CD, le Philharmonique de Münich, ardent mais discipliné, y rayonne dans une intégrale des Symphonies de Brahms dont je ne me lasse pas, sculptée, nostalgique et tempétueuse, d’un souffle vertigineux. À mon sens, par l’équilibre des formes et la profondeur du propos, elle surclasse l’intégrale berlinoise et n’a pour rivale dans la Deuxième qu’une gravure, plus tardive encore, avec les Bamberger.

C’est la pierre de touche de cette somme avec les 4e et 5e Symphonies de Bruckner que Kempe dirige roides, dures, tranchantes, blocs d’orchestre animés par des géants. Quelle expérience à nulle autre pareille, que ne renouvelle pas tout à fait une 8e avec la Tonhalle : les intentions y sont, la réalisation pas toujours, l’éditeur proposant un repiquage d’après les microsillons plus chaleureux que celui tiré des bandes originales par Somm. De Zürich aussi une 5e de Beethoven très droite, une Nouveau monde un rien fermée de son ne documentent qu’à la marge cet art qui dans les glorieuses prises de son des années de l’opulence stéréophonique rayonnait avec un tout autre éclat : écoutez seulement encore la Nouveau Monde dix ans plus tôt avec le Royal Philharmonic ! Et ce Don Juan ivre, si conquérant ! Kempe était toujours dans une forme resplendissante avec la phalange londonienne, ses Pins de Rome sont tout aussi emportés, stupéfiants tableaux de sons.

Merveille de l’ensemble, le concert donné avec les Munichois à Düsseldorf pour la Hilda-Heinemann Stiftung, commencé par un solaire Prélude des Maîtres-chanteurs, conclu par la plus géniale 8e de Dvořák que je connaisse – avec celle de Szell et la Philharmonie Tchèque ! – et enchâssant une version éperdue de tendresse, amoroso fastueux et désarmant, du 27e Concerto de Mozart. Friedrich Gulda jouant dans la battue de Kempe, tous se répondant, divin concertato qui ne devrait jamais finir et que je réécoute sans cesse.

LE DISQUE DU JOUR

The Art of Rudolf Kempe

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie No. 5 en ut mineur, Op. 67
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 73
Symphonie No. 3 en fa majeur, Op. 90
Symphonie No. 4 en mi mineur, Op. 98
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 4 en mi bémol majeur, WAB 104, “Romantique”
Symphonie No. 5 en si bémol majeur, WAB 105
Symphonie No. 8 en ut mineur, WAB 108
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 8 en sol majeur, Op. 88
Symphonie No. 9 en mi mineur, Op. 95, « Du Nouveau monde » (2 versions)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre No. 27 en si bémol majeur, K. 595*
Ottorino Respighi (1879-1936)
Pini di Roma
Richard Strauss (1864-1949)
Don Juan, Op. 20
Richard Wagner (1813-1883)
Die Meistersinger von Nürnberg – Prélude du Premier Acte

*Friedrich Gulda, piano
Münchner Philharmoniker
Royal Philharmonic Orchestra
Tonhalle-Orchester Zürich
Rudolf Kempe, direction

Un coffret de 10 CD du label Scribendum SC502
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Photo à la une : Le chef d’orchestre Rudolf Kempe en session d’enregistrement, notamment en compagnie de son épouse Cordula, ainsi que quelques chanteurs bien célèbres, qu’on vous laisse reconnaître ! – Photo : © Rudolf Kempe Society