La symphonie de Daphnis

Un ballet ? Leonard Slatkin répond crânement non, une symphonie, de timbres, de couleurs, d’émotions. La mise à distance de la pantomime qu’il assume dans sa version si singulière du chef-d’œuvre de Ravel va à rebours du mouvement général : faire retrouver à la musique de Daphnis et Chloé les pas des danseurs, réalité inévitable depuis les gravures d’Ingelbrecht et de Monteux. On y voyait littéralement l’action.

Pas ici. Le sujet selon Slatkin est l’orchestre-même de Ravel, cette immense machine à rêves, ce monstre de songes sonores, il s’y immerge et avec lui un Orchestre National de Lyon fantastique d’imagination et d’audace, faisant tout entendre des sortilèges distillés durant l’opus le plus développé par la plume du musicien.

Car il y a dans Daphnis et Chloé un rapport au temps long que les épisodes du ballet ne parviennent pas à défaire, toute l’œuvre est un fil qu’on tire de A à Z, du temps musical pur et de la poésie toute aussi pure. Cette esthétique n’avait plus été retrouvée ici depuis André Cluytens, seul Philippe Jordan et l’Orchestre de l’Opéra de Paris s’en étaient approchés, trop hédonistes en regard du geste plus sombre, plus concentré de Slatkin.

Lorsque paraît au Lever du jour la flûte magique de Jocelyn Aubrun, avec son médium aqueux, c’est le voile du rêve qui enveloppe le paysage, moment de pure magie. En appendice, après la Danse générale, parait Une barque sur l’océan, mise en regard éclairante qui montre que trois ans avant de commencer Daphnis et Chloé, Ravel avait déjà affûté son orchestre pour ce songe de quasi naufrage, probablement son chef-d’œuvre symphonique absolu, pourtant si rarement donné et même quasi inconnu.

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé, M. 57
(Ballet intégral)

Une barque sur l’océan,
M. 43/3 (version orchestrale)

Spirito, ensemble vocal
Orchestre National de Lyon
Leonard Slatkin, direction

Un album du label Naxos 8.573545
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Photo à la une : © Steve J. Sherman