Sturm aber Drang

Les trois Concertos pour violoncelle de Carl Philipp Emmanuel Bach connaissent les faveurs des violoncellistes. Qui s’en plaindrait, car avant qu’Anner Bylsma ne les remette au goût du jour dans des sonorités toutes neuves à la fin des années 80, on n’avait d’eux qu’une image compassée, essentiellement du Concerto en la majeur où s’aventurèrent les archets de Paul Tortelier et de Pierre Fournier. Si le sentiment y était parfois, le style jamais.

Depuis les choses ont quelque peu changé. Si pour le seul la majeur, Lynn Harrell puis Matt Haimowitz n’innovaient toujours pas, Julius Berger prenait une voix nouvelle, disque hélas oublié où le violoncelliste allemand tentait une certaine recherche du style.

Finalement, l’année dernière, Ophélie Gaillard et le vif argent du Pulcinella Orchestra raflaient la mise en paysageant les Concertos en la mineur et en la majeur avec une Sinfonia et une Sonate en trio. Jeux d’archet délirants, accents péremptoires, tempos ivres, la fête était aussi totale qu’inattendue. Voici que les mêmes reviennent finir leur voyage : le Concerto en si bémol majeur manquait, le voilà avec deux Sinfonias, une Sonate pour violoncelle piccolo et un Concerto pour clavecin. Toujours la même folie, le même art fulgurant d’un archet dont la diversité de vocabulaire reste incroyable, le même tourbillon. Mais à la fin, cela sonne plus Sturm que Drang, je sors du disque en peinant à reprendre mon souffle, admiratif mais épuisé.

Puis, voici qu’un de mes violoncellistes favoris de la jeune génération publie lui aussi ces Concertos. Quel instrument joue ici Julian Steckel ? Probablement le très beau violoncelle que lui a construit Urs W. Mächler voici dix ans. Ses aigus de piccolo, son médium ambré, la puissance sans appui de sa sonorité font merveille dans le discours sensible comme dans la furia des traits, je retrouve soudain l’exact équilibre entre exaltation et poésie qui me saisissait tant à l’écoute de la version signée par Anner Bylsma et Gustav Leonhardt, et aussi derrière l’audace un certain équilibre : Sturm und Drang, vraiment, d’autant que Susanne von Gutzeit emmène avec éloquence le Stuttgarter Kammerorchester.

Magnifique, mais à l’automne, les cartes pourraient bien être rebattues : Nicolas Altstaedt vient d’enregistrer les trois Concertos pour Hypérion.

LE DISQUE DU JOUR

cover cpe bach 2 gaillard apartéCarl Philipp Emmanuel Bach (1714-1788)
Concerto pour violoncelle en si bémol majeur, Wq. 171, H. 436
Sonate pour violoncelle piccolo (ou viole de gambe) en ré majeur, Wq. 137, H. 559
Concerto pour clavecin en ré mineur, Wq. 17, H. 420
Sinfonia No. 3 en ut majeur, Wq. 182/3, H. 659
Sinfonia en mi mineur, Wq. 178

Ophélie Gaillard, violoncelle
Francesco Corti, clavecin
Pulcinella Orchestra

Un album du label Aparté AP118
Acheter l’album sur Amazon.fr – Télécharger l’album en haute-définition sur Qobuz.com

cover steckel jochum hansslerCarl Philipp Emmanuel Bach (1714-1788)
Concerto pour violoncelle No. 1 en la mineur, Wq. 170, H. 432
Concerto pour violoncelle No. 2 en si bémol majeur, Wq. 171, H. 436
Concerto pour violoncelle No. 3 en la majeur, Wq. 172, H. 439

Julian Steckel, violoncelle
Stuttgarter Kammerorchester
Susanne von Gutzeit, direction

Un album du label Hänssler CD HC15045
Acheter l’album sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr

Photo à la une : © DR