Moisson Carl Philipp Emanuel

L’anniversaire du tricentenaire de la naissance de Carl Philipp continue ! Frieder Bernius vient de se pencher sur le plus visionnaire des oratorios que nous a laissé Carl Philipp Emanuel Bach : donné le 1er novembre 1769 pour la consécration de la Lazarett-Kirche sise hors des murs de Hambourg, Die Israeliten in der Wüste, sur un poème de Daniel Schiebler n’est pas inconnu au disque : je vis depuis longtemps avec l’enregistrement de William Christie : ton français, mise en lumière d’une écriture galante, tout ici rayonnait dans une lumière qui semblait passer par delà les souffrances du peuple d’Israël et les exhortations de Moïse.

Cette fois, avec Frieder Bernius, la source jaillit du rocher, la parabole s’incarne, les mots germent comme un champ de blé. C’est le moins qu’on puisse entendre dans une partition si diseuse, et justement les solistes s’y emploient, Joanne Lunn égalant Barbara Schlick dans la vocalise, Samuel Boden distillant les lignes si lyriques d’Aaron et Tobias Berndt donnant une stature entre révolte et affliction à un Moise qui sort du cadre. Bien vu.

Pavé absolu, voici qu’Hänssler Classic publie en un coffret de vingt-six CDs, pas moins, toute l’œuvre pour clavier. Oui, mais au piano. Ce qui se révèle parfois un écueil par une certaine uniformisation du discours permet en tous cas d’appréhender l’ensemble d’un corpus qui traverse le Sturm und Drang et nous mène de Bach à Mozart, rien que cela !

Travail de bénédictin parfaitement mené à son terme par Ana-Marija Markovina, qui excelle dans les Sonates de la maturité, au discours soudain si imprévisible. Cette somme s’impose et sera idéalement complétée par celle de Miklos Spanyi, sur ses précieux clavicordes et pianoforte, lorsque BIS aura achevé de la publier .

Mais s’l ne vous fallait qu’un disque d’œuvres de clavier de Carl Philipp, ce serait celui consacré par Mahan Esfahani aux 6 Sonates Württenberg : clavecin de feu qui a tout compris d’œuvres où le sentiment et l’humeur sont tout, enregistrement qui fera date par son discours emporté et une manière nouvelle de faire sonner le clavecin. Si je ne devais garder qu’un disque de ce tricentenaire, ce serait celui-ci.

LES DISQUES DU JOUR

cover israeliten bernius cpebach carus
Carl Philipp
Emanuel Bach

(1714-1788)
Die Israeliten in der Wüste
(Les Israélites dans le désert), oratorio H. 775 Wq. 238 (1775), sur un livret de Daniel Schiebeler

Joanne Lunn, soprano
Judith Gauthier, mezzo-soprano
Samuel Boden, ténor
Tobias Berndt, baryton
Kammerchor Stuttgart
Barockorchester Stuttgart
Frieder Bernius, direction
Un album du label Carus CAR 83.292

cover markovina cpebach hanssler
Carl Philipp Emanuel Bach
L’Œuvre de clavier (Intégrale)

Ana-Marija Markovina, piano

Un coffret-album de 26 CD
du label Hänssler Classic 98003

cover cpebach esfahani
Carl Philipp Emanuel Bach
Les Sonates Württenberg,
Wq. 49

Sonate en la mineur, H 30
Sonate en la bémol majeur, H 31
Sonate en mi mineur, H 33
Sonate en si bémol majeur, H 32
Sonate en mi bémol majeur, H 34
Sonate en si mineur, H 36

Mahan Esfahani, clavecin

Un album du label Hyperion CDA67995

Photo à la une : (c) DR