Jean Martinon (II) : Premiers Prokofiev électriques

Deuxième épisode d’une série en quatre parties sur les années Philips de Jean Martinon

THE PHILIPS YEARS, 1953-1956 (II) :
PREMIERS PROKOFIEV ELECTRIQUES

Amoureux de musique russe, vibrant naturellement aux sons de l’univers de Prokofiev, qu’il ne cessera de défendre durant toute sa carrière – cette passion connaîtra son point culminant avec l’enregistrement intégral des Symphonies pour VOX (1969-1971, Vol 1, Vol. 2) –, Martinon impose dès juin 1953 à l’Orchestre Lamoureux sa vision acérée et rougeoyante de ferveur de l’univers du compositeur russe. Il y a la même santé vigoureuse qui émanait déjà auparavant des Symphonies de Mozart. Le chef français deviendra dans les années 1960 et 1970 plus « raisonnable », sans doute plus fin, mais jamais aussi spontané.

martinon prokofiev philips LP cover Ainsi, sa suite de L’Amour des trois oranges est une décharge électrique. Il y déploie un orchestre d’une puissance cataclysmique, à l’élan implacable, et qui ne le freine aucunement dans son évocation de l’épisode « Le Prince et la Princesse », lyrique à souhait, gorgé d’intenses vibrations amoureuses.

prokofiev martinon ortf lp 3 cover Si, quinze ans plus tard, les articulations du National de l’O.R.T.F dans le Finale de la Symphonie Classique sont – dans le cadre d’un tempo légèrement plus rapide – incontestablement plus précises, plus travaillées, ou les équilibres entre les pupitres plus accomplis, les nuances dans les parties de vents plus subtilement énoncées, l’élan général paraît pourtant moins fort, l’expression moins festive que dans cette première version avec l’Orchestre des Concerts Lamoureux : à la forte spontanéité de ses débuts, peut-être plus proche du caractère russe, Jean Martinon ajoute au fil des années ce supplément d’élégance, cette recherche de perfection sonore qui marque ses enregistrements à la tête du National (EMI, Erato, Vox).

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