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Feu sombre

La Troisième Sonate de Scriabine n’est pas une sonate. C’est un manifeste et plutôt de nature purement orchestral. Dès le Drammatico, le piano doit être immense, et le pianiste introduire dans son jeu une dimension cosmique qui suppose de respirer large.

Hier Vladimir Sofronitsky, Vladimir Horowitz, puis Lazar Berman ont tutoyé cet absolu de la littérature pianistique qui referme l’âge d’or du Romantisme et ouvre la porte sur d’autres mondes. Clément Lefebvre aujourd’hui parle avec la même hauteur de vue, déploie une plénitude pianistique qui débusque derrière les tensions ces harmonies étranges, ces motifs angoissés, cette violence qui dans le Finale atteint au paroxysme.

Saisissant, mais écoutez aussi, après les noires batteries de l’Allegretto, le nocturne amoroso de l’Andante, et cet instant où il se pare de nuances de cauchemar, avant de retrouver l’embellie stellaire.

L’itinéraire souligne comme le jeune Français est chez lui dans cette Russie disparue : le choix des Impromptus, si rarement enregistrés, où le plus intime de Scriabine laisse une porte entrebâillée sur sa psyché, la Fantaisie, chef-d’œuvre si difficile à cerner à l’égal de celle de Chopin, les deux Poèmes de l’Opus 32, esquisses d’une langue nouvelle, et en coda cette Valse empoisonnée, ce vertige d’opium, si proche de ce qu’y faisait Sofronitsky, baudelairienne sous des doigts aussi inspirés, merveille qui en appelle d’autres, espérons…

LE DISQUE DU JOUR

Con eleganza

Alexandre Scriabine
(1872-1915)
Sonate pour piano No. 3 en
fa dièse mineur, Op. 23

2 Impromptus à la Mazur,
Op. 7

2 Impromptus, Op. 10
2 Impromptus, Op. 12
2 Impromptus, Op. 14
Fantaisie en si mineur, Op. 28
2 Poèmes, Op. 32
Valse en la bémol majeur, Op. 38

Clément Lefebvre, piano

Un album du label La Dolce Volta LDV141
Acheter l’album sur le site du label La Dolce Volta

Photo à la une : le pianiste Clément Lefebvre – Photo : © Jean-Baptiste Millot

Père et fils

Le père de l’école de piano soviétique ? Né dans le monde d’hier, et dans le milieu pro-européen de la grande bourgeoisie moscovite peu douée pour la Révolution, Heinrich Neuhaus prolongea au contraire dans l’histoire du piano russe cet art élégant Continuer la lecture de Père et fils

Mon Dieu

Le thème pathétique qui ouvre la Sonate en fa dièse mineur de Schumann résonne toujours dans mon imaginaire sous les doigts de Vladimir Sofronitsky. Ce chant altier et tourmenté qui roule sur un océan de tempête contenu par les figures obsessives Continuer la lecture de Mon Dieu