Archives par mot-clé : Concerto pour violon

Leur père à tous

Heino Eller, vous connaissez ? Un Concerto pour violon sombre et tempétueux, que Viktor Pikaïsen joua un temps m’avait tiré l’oreille. Quelle belle écriture, abrupte et soignée à la fois, j’y sentais l’empreinte d’un maître.

Voici que Baiba Skride l’enregistre Continuer la lecture de Leur père à tous

À la marge

Les compositeurs discriminés par le régime nazi auront vécu leur tardive renaissance, au point que la notion d’ »Entarte Musik » s’étend par déviation à tout un pan de la musique savante du XXe siècle. Les quatre compositeurs réunis dans ce double album Continuer la lecture de À la marge

Transylvanie

Depuis que le Premier Concerto est sorti de l’oubli, portrait vivant de l’amour de Bartók pour Stefi Geyer, il accompagne souvent au disque le grand concerto-ballade écrit vingt ans plus tard, couplage plus périlleux qu’il n’y paraît : les violonistes sont toujours tentés de tirer le Premier vers le Second, ce dont Benjamin Schmid se garde bien, les distinguant au contraire comme deux mondes antithétiques : la pureté de la grande phrase qui ouvre l’Andante de l’opus posthume est désarmante par sa poésie venue d’un autre temps, alors qu’un ménétrier fait danser l’Allegro plus piquant que giocoso : quel caractère dans cet archet qui fait le vielleux, et comme l’orchestre champêtre persiffle avec lui. Œuvre heureuse, à l’inverse du grand nocturne étrange qui emporte tout le Deuxième Concerto.

Nocturne non pas moderniste comme tant de versions, mais empli de paysages transylvaniens, joués comme une pastorale nostalgique jusqu’à l’amer, avec au centre un Andante tranquillo qui n’est plus une plainte, mais une mélodie toute simple qu’un chevrier pourrait souffler dans sa flûte avant d’esquisser sur les spiccatos une danse narquoise. Benjamin Schmid joue tout le concerto preste, sans s’appesantir, sans effet, cherchant les lignes fluides, les couleurs difractées par un jeu d’archet à la corde, fuyant le style déclamatoire que les virtuoses veulent y mettre, espérant briller à contrario de l’oeuvre.

Il le joue modestement, serrant le texte au plus près, peu soucieux de produire du beau son, fidèle à la manière âpre de quatre interprètes historiques de l’œuvre, Zoltán Székely, Tossy Spivakovsky, Max Rostal et André Gertler et dans le Finale, ardent, acide, fulgurant comme eux, avec le soutien sans cesse sans lourdeur d’un orchestre dirigé vif par Tibor Bogányi qui dirige comme il peindrait les paysages dans lesquels il vit.

Album magnifique, qui saisit la vérité de ces deux œuvres. Schmid serait bien inspiré de nous donner les trois Sonates.

LE DISQUE DU JOUR

Béla Bartók (1881-1945)
Concerto pour violon et orchestre No. 1, Op. posth., Sz. 36
Concerto pour violon et orchestre No. 2, Sz. 112

Benjamin Schmid, piano
Pannon Philharmonic Orchestra
Tibor Bogányi, direction

Un album du label Gramola 2018-07-15
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Photo à la une : © DR

Gulli ou l’ardeur

12 mai 1958, Franco Gulli enregistre pour le Club Français du Disque le Concerto de Beethoven, son archet arde, le style est parfait mais surtout comme cela chante !, jusque dans des aigus de colorature, admirablement éclairés de l’intérieur. Quel violoniste !

On l’aura trop oublié, la faute à un héritage discographique dispersé sur plusieurs labels dont beaucoup ont sombré corps et bien : ainsi, les bandes de ses deux intégrales des Sonates de Beethoven avec son épouse Enrica Cavallo dorment quelque part, laissant les éditeurs d’aujourd’hui avec les seuls microsillons pour sources. C’est le cas de cet album Urania, aux reports pourtant soignés, et qui tire de la seconde intégrale (celle pour Angelicum, une première pour le Club Français du Disque avait précédé de peu) une Kreutzer et une Printemps qui visent à un classicisme apollinien, la signature de son art la maturité atteinte, et qui se prolongera jusqu’à la parfaite intégrale des Concertos de Mozart qu’il gravera en 1989 pour Claves à l’invitation de Marguerite Dütchler.

Le Grand Duo de Schubert, capté en concert à Lugano le 9 juillet 1959, montre un archet moins lisse, qui chante avec des timbres de quasi mezzo, et dans l’acoustique de la salle de concert, l’ampleur de sa sonorité rayonne, captivante. Mais le style, en plus de cette ardeur si noble du jeu, lui est vraiment tout et s’illustre dans le Concerto de Mendelssohn enregistré chez lui à Venise, avec l’Orchestre de la Fenice à nouveau par les micros du Club Français du Disque.

Double album précieux qui documente un art majeur, mais Franco Gulli mériterait bien un fort coffret regroupant tout son legs : quel éditeur saura nous le proposer ?

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 61
Sonate pour violon et piano No. 9 en la majeur, Op. 47 « Kreutzer »
Sonate pour violon et piano No. 5 en la majeur, Op. 24 « Printemps »
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour violon et piano en la majeur, Op. 162, D. 574 « Grand Duo »*
Felix Mendelssohn-Bartholdy (1810-1849)
Concerto pour violon et orchestre No. 2 en mi mineur, Op. 64

Franco Gulli, violon
Enrica Cavallo, piano
Orchestre de l’Association des Concerts Lamoureux (Beethoven)
Rudolf Albert, direction (Beethoven)
Orchestre du Théâtre de la Fenice de Venise (Mendelssohn)
Ettore Gracis, direction (Mendelssohn)

Un album de 2 CD du label Urania WS121365
Acheter l’album sur le site du label Urania Records, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : © DR