Violon de Finlande

Les jeunes violonistes veulent tous jouer le Concerto de Sibelius, Tobias Feldmann lui consacre son premier disque avec orchestre, sous la houlette inspirante d’un autre violoniste, Jean-Jacques Kantorow. Est-ce pour cela que les tempos choisis permettent au jeune violoniste de chanter avec un tel appui ? La beauté naturelle de sa sonorité, portée par ce grand registre médian qui est l’âme même de son jeu ôte à l’opus sibélien sa roideur, ce ton âpre que les solistes allemands, Georg Kulenkampff, Gerhard Taschner, mettaient jadis à ce concerto qu’ils peignaient avec des accents de saga.

Le jeu de Feldmann est autrement solaire, ample, irradiant, et il met quasiment du belcanto dans l’Adagio di molto. Contresens ? J’avoue que je suis fasciné par la perfection technique et la maîtrise artistique avec lesquelles il délivre un Finale iméprieux, tenu de main de maître et où Kantorow tient la bride aux Liégeois, les forçant à cambrer leurs traits. Magnifique et très différents des autres enregistrements récents du Concerto de Sibelius.

Quelle belle idée de l’avoir couplé avec celui d’Einojuhani Rautavaara et quel beau choix d’ouvrir l’album par son hypnotique intrada. Tout ici n’est que poésie, on touche au cœur secret de l’univers de ce compositeur qui adorait le genre concertant et l’aura passablement renouvelé. Pour l’Energico, le violon de Tobias Feldmann se fait diable, avec ses ostinatos fantasques, son archet soudain mordant, faisant voir l’envers du geste solaire qu’il avait déployé jusqu’ici, avant que la grande déclamation du violon seul ne soit empoignée avec cette éloquence qui me force à y revenir encore. Décidément ce jeune homme réussit toutes ses incursions au disque.

LE DISQUE DU JOUR

Jean Sibelius (1865-1965)
Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Op. 47
Einojuhani Rautavaara (1928-2016)
Concerto pour violon

Tobias Feldmann, violon
Orchestre Philharmonique Royal de Liège
Jean-Jacques Kantorow, direction

Un album du label Alpha Classics 357
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Photo à la une : Le violoniste Tobias Feldmann – Photo : © DR