On sait à quel point Bruno Walter, qui avait dans l’oreille le timbre de Kerstin Thorborg et les mots de Madame Cahier, était certain d’avoir trouvé la nouvelle incarnation vocale du Chant de la terre, et en particulier de l’Abschied, en entendant le contralto d’une noire lumière de Kathleen Ferrier. Continuer la lecture de Le Chant avant le Chant
Persistance du Monde d’Hier
La sérénade agreste qui ouvre la Première Symphonie est bien la musique d’un jeune homme imprégné par la Vienne de Gustav Mahler : à vingt-sept ans, Karl Weigl paraît comme l’un des espoirs de ce qui n’est plus la nouvelle musique de la capitale de l’Empire : Schönberg, Berg et Webern défont l’écheveau de la tradition, Weigl les entend, mais son orchestre écoute d’abord ceux de Mahler, de Bruckner, de Franz Schmidt, pillant chez eux ce qui justement n’est pas dans le sillage d’une certaine tradition, fleurit en quelque sorte dans sa marge.
Quel beau poème que cet Opus 5, musique d’un temps encore absolument heureux et qui ne veut pas voir l’ère moderne. Jürgen Bruns en distille les frémissements de pastorale, les élans corsetés, sensible à cette musique infinie qui se garde bien du spectaculaire pour mieux convaincre à force de poésie. Les Images et Contes, Op. 2 (1909) dans la vêture d’orchestre que Weigl leur tailla sur mesure en 1922 sont de la même eau sereine.
Vint-huit ans plus tard, les nuages se sont amassés sur Vienne, Weigl n’entend plus sa musique dans les concerts en Allemagne comme en Autriche, sait-il que toutes les partitions d’orchestre qu’il écrira dès lors resteront notes mortes ?
En 1936, la Quatrième Symphonie est pourtant encore tentée par l’idylle, son Finale joueur mais mélancolique veut encore croire à cet éden typiquement autrichien, mais l’Allegro moderato et ses carrures de marche, la ronde sardonique de l’Allegro molto disent assez les périls qui auront envahi toute la Sixième Symphonie, achevée en 1947, vaste postlude en quatre mouvements à la fameuse Cinquième Symphonie qui décrivait l’Apocalypse.
La nuit de cendres de l’Andante molto, les masques grimaçants de l’Allegro, la déploration de l’Adagio, le sombre Finale avec ses trompettes de jugement sont dans l’œuvre de Weigl un point de non-retour auquel Jürgen Bruns ne donne pas l’élan dévastateur que lui conférait Thomas Sanderling (BIS), y cherchant plutôt une rédemption malgré le désespoir.
J’attends avec impatience les premières gravures mondiales des Deuxième et Troisième Symphonies et si demain Jürgen Bruns pouvait se pencher sur les symphonies d’un autre grand compositeur autrichien tombé dans l’oublie, Marcel Rubin…
LE DISQUE DU JOUR
Karl Weigl (1881-1949)
Symphonie n° 1 en mi majeur, Op. 5
Contes et tableaux – Suite, Op. 2
Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz
Jürgen Bruns, direction
Un album du label Capriccio C5365
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Karl Weigl
Symphonie No. 4 en fa mineur
Symphonie No. 6 en la mineur
Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz
Jürgen Bruns, direction
Un album du label Capriccio C5385
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Photo à la une : le chef d’orchestre Jürgen Bruns – Photo : © Ruth Dill
L’empire perdu
Les danses bariolées, le chant déboutonné de Schwanda le fifre firent la réputation univoque de Jaromir Weinberger, il en tira une suite d’orchestre que Karl-Heinz Steffens magnifie ici dans une lecture éclaboussante de rythmes et de couleurs Continuer la lecture de L’empire perdu
Kaddish
Un berceau de cordes ouvre dans un grand geste la vaste prière pour les morts juifs des deux holocaustes, celui d’Hitler et celui de Staline, qu’est la 21e Symphonie de Mieczysław Weinberg, partition au noir dont l’ampleur aura fait dire à Gidon Kremer qu’il avait Continuer la lecture de Kaddish
En lumière
Jean-Philippe Collard a bien eu raison de venir, même tard, aux Goyescas. Son piano ailé, aux timbres clairs, en saisit la lumineuse poésie avec une élégance folle Continuer la lecture de En lumière