L’empire perdu

Les danses bariolées, le chant déboutonné de Schwanda le fifre firent la réputation univoque de Jaromir Weinberger, il en tira une suite d’orchestre que Karl-Heinz Steffens magnifie ici dans une lecture éclaboussante de rythmes et de couleurs.

Il ne faudrait pas qu’elle dissimule la vraie merveille de ce disque précieux : les six Chants et Danses de Bohème sont l’envers des décors typiques de Schwanda. Jaromir Weinberger y abandonne sa plume faussement populaire pour composer un orchestre infiniment subtil où le violon solo n’est plus celui d’un tzigane de cabaret mais d’un pâtre.

Quel opus magnifique, comme une célébration intime de toutes ces musiques populaires d’Europe centrale que Bartók herborisait alors. L’orchestre savant de Weinberger n’est pas sans rappeler celui de Dohnányi, rejetant les effets factices pour trouver la vraie lyrique de ces musiques subtilement décalquées de leurs modèles populaires.

L’ajout de l’Ouverture pour La Voix aimée, avec son mouvement tourbillonnant qui semble citer celle de La Fiancée vendue rappelle que Weinberger vécut toujours dans cet éden sonore de l’Empire perdu. Sa nostalgie aura fini par le tuer dans le grand soleil de son exil floridien, préférant le sommeil du véronal à ce nouveau monde dont il n’avait que faire.

LE DISQUE DU JOUR

Jaromir Weinberger
(1896-1967)
Schwanda, le fifre (extraits orchestraux)
Chants et Danses de Bohème
Ouverture « La Voix aimée »

Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz
Karl-Heinz Steffens, direction

Un album du label CPO 777513-2
Acheter l’album sur le site du label www.jpc.de, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : le chef d’orchestre Karl-Heinz Steffens – Photo : © Susanne Diesner/Hazard Chase