En lumière

Jean-Philippe Collard a bien eu raison de venir, même tard, aux Goyescas. Son piano ailé, aux timbres clairs, en saisit la lumineuse poésie avec une élégance folle. Il faut entendre comment il débrouille les lacis de Los requiebros, où les polyphonies en miroirs veulent absolument un jeu à dix doigts qui peut faire chanter comme du Schumann et envoler comme du Chopin.

Admirable, de plénitude sonore jamais chargée, de contre-chants où s’avive une veine improvisatrice dont les ornements, les décalages, le brefs envols font tout le sel de cette langue efflorescente, ces Goyescas ont aussi leurs nostalgies : le Colloquio en la reja s’ombre d’une douleur contenue, beau comme la plus tendre des Tonadillas. C’est pour mieux envoler El fandango de candil, sur les pointes, dansé avec un art du mouvement qui prend son temps, avec quelque chose de scarlattien dans ces rythmes qui tiennent par les timbres : littéralement, on voit la scène.

Tout le recueil est saisi avec un sens très juste de la poésie de Granados, par un pianiste qui sait que pour sonner, cette musique doit être jouée dans un allégement qui permet aux rythmes de fuser sans frapper, aux lignes de déployer leur lacis, et à l’émotion de trouver sa voie : écoutez son Rossignol, d’une tristesse féérique.

Grande version, l’antithèse de celle pourtant si réussies, de José Menor, mais Granados, ce génie, autorise qu’on le voit, le comprenne, le montre sous des angles si différents. Et si maintenant, Jean-Philippe Collard se penchait sur les Scènes romantiques, sur les Escenas poeticas ?

LE DISQUE DU JOUR

Enrique Granados (1867-1916)
Goyescas

Jean-Philippe Collard, piano

Un album du label La Dolce Volta LDV73
Acheter l’album sur le site du label La Dolce Volta ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : le pianiste Jean-Philippe Collard – Photo : © William Beaucardet