Si Chostakovitch mit en musique certains poèmes d’Essénine (1895-1925) avec la puissance de transcription qu’on lui connaît, ce fut pourtant Georgy Sviridov (1915-1998) qui captura l’esprit de la poésie aventureuse, si suggestive et mélancolique, de ce jeune homme que les Continuer la lecture de Pour Essénine
Tous les articles par Jean-Charles Hoffelé
Neeme Järvi et la France
Comme celui de Gennadi Rozhdestvensky, le répertoire de Neeme Järvi semble infini, et souvent en rapport avec les phalanges symphoniques dont il aura tenu en main les destinées.
L’Orchestre de la Suisse Romande lui aura inspiré quelques-uns des plus beaux albums de son abondante discographie, l’invitant à se pencher sur les compositeurs français qu’il avait délaissés depuis ses années de Detroit, où, conscient de l’héritage laissé par Paul Paray, Roussel et Ravel lui avaient inspiré de stupéfiants albums demeuré méconnus. Cette Troisième Symphonie alerte et fauviste, ce Daphnis orgiaque, comment pourrait-on les oublier ?
J’ai eu envie de le réentendre avant de mettre dans la platine ses deux nouveaux albums, l’un consacré à Saint-Saëns gravé avec l’Orchestre Philharmonique de Bergen, l’autre à Jacques Ibert, cette fois-ci avec L’Orchestre de la Suisse Romande.
Le doublé des Concertos pour violoncelle sous l’archet ample de Truls Mørk fait entendre un Saint-Saëns enfin débarrassé de toute référence néo-classique. Deux grands concertos d’un romantisme avoué, mais joués sans jamais rien alourdir, où tout l’orchestre entre dans le chant du soliste, immense musique de chambre subtilement dosée, tout comme un Carnaval des animaux plus poétique que descriptif où les claviers de Louis Lortie et d’Hélène Mercier caracolent puis rêvent. Louis Lortie et Neeme Järvi ajoutent deux brèves partitions de fantaisie, le Wedding-Cake pince-sans-rire, et la tumultueuse Africa. Et si demain, ils nous faisaient tous les Concertos ? Quel Égyptien en perspective.
L’album Ibert est plus irrésistible encore, l’égal de ceux jadis gravés par Jean Martinon à Paris et Louis Frémaux à Birmingham pour EMI et recoupant les programmes de l’un comme de l’autre. Il faut entendre comment Neeme Järvi, sans jamais infléchir le mouvement, fait passer l’Ouverture de fête de l’ombre à la lumière, avec quel sens des variations de couleurs il détaille les Escales, de quelle verve il pare le Divertissement « Paris », ou la Bacchanale, rendant justice à l’art d’orchestrer d’un compositeur majeur du XXe siècle français, ajoutant des pages rarissimes comme la Sarabande pour Dulcinée, le subtil Féerique, ou l’Hommage à Mozart.
Disque magique, et qui veut une suite : Tropismes pour des amours imaginaires, la Symphonie marine, le Louisville-Concert, Les Amours de Jupiter, la Symphonie concertante, Rencontres, les Concertos, les musiques de scènes, les ballets attendent de briller sous de tels feux.
LE DISQUE DU JOUR
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Concerto pour violoncelle No. 1 en la mineur, Op. 33
Concerto pour violoncelle No. 2 en si mineur, Op. 119
Le Carnaval des animaux
Caprice-Valse, « Wedding- cake »
Africa
Truls Mørk, violoncelle
Louis Lortie, piano
Hélène Mercier, piano
Orchestre Symphonique de Bergen
Neeme Järvi, direction
Un album du label Chandos CHSA5162
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Jacques Ibert (1890-1962)
Escales
Sarabande pour Dulcinée (extraite de « Don Quichotte »)
Ouverture de fête
Féerique
Divertissement pour orchestre de chambre
Hommage à Mozart
Suite symphonique, « Paris »
Bacchanale
L’ Orchestre de la Suisse Romande
Neeme Järvi, direction
Un album du label CHSA 5168
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Photo à la une : © Simon van Boxtel
L’adieu aux charmes
Severin von Eckardstein énonce le thème du Moderato de la Reliquie presque factuellement, droit en quelque sorte, sans lui prêter ce caractère d’interrogation que tant suggèrent. C’est qu’il entend déjà l’impérieux crescendo qui suit, ce ton héroïque, dressé, ardent, si proche des déclamations de la Wanderer-Fantasie. Beethoven est derrière ce Schubert clair mais ardent, qui ne s’épanche pas, mais avance, impérieux, hautain, réglant avec une science insensée les équilibres d’une harmonie qui fait chanter tout le piano comme une vaste lyre.
Pour la Reliquie, cette épure prend un ton d’évidence. Mais pour la sombre D. 959 ? Allez directement à l’Andantino, exactement andantino, quasi aussi rapide que celui mythique d’Andor Foldes (EMI). Mais lorsque le thème revient piano, cette main gauche qui module, ombre tragique sans que rien de pathétique n’y participe, puis plus loin les accents cassés des accords de la main droite, si ce n’est pas comprendre tout de Schubert ! Et lorsque la tempête paraît à la fin du mouvement, un Dieu monstrueux la fait souffler, froide, glacée, comme une vision de Winterreise.
Ce disque radical est bien à l’image d’un pianiste à part, résolument à l’écart, c’est certainement l’un de ses plus absolument grands, et il faut bien avouer que la presse s’est empressé de s’y montrer indifférente. Mais le retrouvant sur les conseils de Pierre-Yves Lascar, je comprenais soudain ce qui m’avait tant surpris à l’écoute des Moments musicaux donnés en concert durant l’édition 2006 du Klavier-Festival Ruhr : cette nudité du son, ce refus du charme, cette route droite, implacable, cette solitude des mélodies, c’est l’essence même de Schubert.
Au moins le festival allemand aura consacré un double album à ce pianiste trop rare au disque, au répertoire toujours surprenant. Voyez un peu : deux Concertos de Mozart mais dans l’arrangement d’Hummel pour quatuor avec piano (la flûte d’Andrea Lieberknecht, le violon d’Andrej Bielow, le violoncelle de Nicolas Altstaedt), la 4e Sonate de Prokofiev jouée avec une fantaisie triste déconcertante.
Mais tout cela s’efface devant des Miroirs de Maurice Ravel étrangement distanciés, joués avec une sorte de froideur terrible, comme épurés eux aussi. Dans ses paysages où les oiseaux ne sont pas seuls à être tristes, un personnage chemine, qui finira englouti dans une des plus impassibles Vallée des cloches que j’ai jamais croisées. De quoi rester longtemps immobile devant cette porte entrouverte sur un indicible cauchemar.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1827)
Sonate pour piano No. 15
en ut majeur, D. 840
Sonate pour piano No. 19
en la majeur, D. 959
Severin von Eckardstein, piano
Un album du label Fuga Libera FUG563
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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano No. 24
en ut mineur, K. 491*
Concerto pour piano No. 25
en ut majeur, K. 503*
Franz Schubert (1797-1828)
Moments musicaux, D. 780, Op. 94
Maurice Ravel (1875-1937)
Miroirs
Maurice Ravel (1875-1937)
Miroirs
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour piano No. 4 en ut mineur, Op. 29, « D’après de vieux cahiers »
Severin von Eckardstein, piano
*Andrea Lieberknecht, flûte
*Andrej Bielow, violon
*Nicolas Altstaedt, violoncelle
Un album de 2 CD du label Edition Klavier-Festival Ruhr (Vol. 13 : 553064
Acheter l’album sur le site du label Edition Klavier-Festival Ruhr, sur le site www.clicmusique.com
Photo à la une : © Ir¿ne Zandel
Tropisme nordique
Max Bruch sera passé à la postérité par ses Concertos pour violon et sa Fantaisie écossaise, tant aimés des virtuoses qui ne les ont jamais laissés quitter le concert, partie émergée d’une œuvre bien plus vaste que l’on découvre progressivement. Ses oratorios Odysseus et Arminius dévoilent Continuer la lecture de Tropisme nordique
Sujet Satie (mais pas seulement)
L’idée est étonnante : publier en une boîte blanche à liseré tricolore dans leurs états (pochettes) et couplages d’origine tous les albums CBS où figuraient des œuvres de Satie. Sony reste fidèle à sa politique : ne pas choisir, publier in extenso.
C’est bien, j’approuve, Continuer la lecture de Sujet Satie (mais pas seulement)