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Ruralia Dohnányi

Pédagogue, pianiste de première force, mais il faut bien l’admettre, Ernő Dohnányi aura été d’abord le grand compositeur du post–romantisme magyar. Sa musique de chambre foisonnante, immergée dans le folklore et dans les paysages hongrois et l’une des plus raffinées qui a vu le jour durant l’entre-deux-guerres : le Giocoso pastoral du Troisième Quatuor, avec son Finale de bal délicieusement ivre est un bijou trop peu couru.

Les cordes des Nash, autour de l’alto de Lawrence Power, le placent avec à propos au centre de leur programme, opus heureux qui va vite céder le pas aux tempêtes et aux prospectives sonores du chef-d’œuvre absolu de son auteur : le grand Sextuor pour piano, clarinette, cor et trio à cordes, de fait une sérénade en quatre mouvements d’une écriture contrapuntique complexe, aux atmosphères sombres, au discours intense. Les Anglais y peignent des paysages surprenants comme des Whistler, mettent dans ces pages si touffues et si aventureuses une imagination sonore bluffante, et soudain Dohnányi n’est plus ce compositeur conservateur mais bien, à l’égal d’un Enesco, un aventurier de l’art des sons.

Ecoutez l’album à revers pour réaliser quelle distance sépare le Sextuor d’avec la Sérénade de cordes de 1902, pastorale heureuse que la guerre n’a pas encore troublée, d’une écriture si limpide, puis revenez à l’Allegro appassionato du Sextuor. Disque splendide.

LE DISQUE DU JOUR

Ernő Dohnányi (1877-1960)
Sérénade pour trio à cordes en ut majeur, Op. 10
Quatuor à cordes No. 3 en la mineur, Op. 33
Sextuor pour piano, clarinette, cor et trio à cordes en ut majeur, Op. 37

The Nash Ensemble

Un album du label Hypérion CDA68215
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Photo à la une : © DR

L’archet du clavier

Pénultième volume de l’intégrale la plus complète des œuvres pour violon et piano (et inversement) de Mozart jamais enregistrée à ce jour, le cinquième volume de cet ensemble parfait où se répondent le violon aventureux d’Alina Ibragimova et le piano–orchestre de Cédric Tiberghien présente Continuer la lecture de L’archet du clavier

La mélancolie danse

Trois Suites de Louis Couperin, compositeur dont l’œuvre est déjà plutôt rare au disque sous les doigts des clavecinistes – Blandine Verlet y excelle – et plus rare encore chez les pianistes : Pierre Chalmeau en avait gravé chez Fondamenta un plein disque assez magnifique où les danses s’imaginaient en couleurs vives. Aujourd’hui Continuer la lecture de La mélancolie danse

Albion romantique

Un petit maître ? Ah non !, William Sterndale Bennett est au contraire, à égalité avec John Field, le grand homme du premier romantisme anglais, le seul compositeur d’Albion dont les œuvres puissent sans pâlir se faire entendre aux cotés de Mendelssohn, son modèle, son ami avec lequel il partageait l’enthousiasme de la redécouverte de Bach dont il ressuscita la Passion selon St. Matthieu pour le public londonien.

Schumann l’admirait, Parry, Sullivan furent ses élèves, il détermina l’avenir de la musique nationale britannique, paradoxe ! lui dont les œuvres se coulent avec tant d’évidence dans le grand concert du romantisme germanique. Jamais bavarde, toujours poétique, son écriture pour le piano trouve avec l’orchestre une dimension imaginaire qui s’échappe du salon : ce sont des paysages, des échos de chasse, tout un imaginaire qui parfois se teinte d’un rien de fantastique, comme si Füssli venait peindre par-dessus ses notes.

Howard Shelley, qui avait déjà gravé le 4e Concerto (et nous doit donc encore le 5e, un prochain album les réunira peut-être y ajoutant quelques pièces plus brèves), fait vibrer les teintes délicates et les mélodies évocatrices des trois premiers concertos, œuvres des débuts où passe l’imaginaire, entre Mozart et conte noir d’un Weber. Il les joue avec une imagination certaine, réglant de son piano où des personnages paraissent, où se nouent des intrigues, un orchestre qu’il équilibre avec subtilité, si bien que ce premier Romantisme s’anime, incroyablement présent, si séduisant.

Disque magnifique qui rend justice à un vrai maître.

LE DISQUE DU JOUR

William Sterndale Bennett (1816-1875)
Concerto pour piano No. 1 en ré mineur, Op. 1
Concerto pour piano No. 2 en mi bémol majeur, Op. 4
Concerto pour piano No. 3 en ut mineur, Op. 9

Howard Shelley, piano, direction
BBC Scottish Symphony Orchestra

Un album du label Hypérion CDA68178
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Photo à la une : © DR