Il faut quelques années pour qu’un artiste se défasse de sa première légende. Pour Arcadi Volodos, ce sont ses doigts – à l’entendre il en a cent – qui le classèrent parmi les virtuoses d’un autre temps, les esprits les plus éclairés le rapprochaient des concertistes de la fin du Romantisme, panache et fantaisie. Mais déjà dans un récital viennois de 2001, les Valses nobles et sentimentales de Ravel laissaient affleurer un poète du son … cette profondeur vertigineuse ne pouvait s’oublier.

Depuis, le virtuose aura pris tout son monde à revers avec un album Mompou où tout n’était que musique, et la plus élusive, la plus silencieuse qui se fut jamais écrite. Quoi ? Volodos, ce pouvait être aussi cela ?

Ce nouveau visage établi, le voir aujourd’hui aborder quelques pages du Brahms ultime ne saurait surprendre. La beauté de la sonorité est toujours éloquente, révélatrice d’un art qui s’incarne d’abord dans le son même, et partant de lui détermine tout.

C’est parfois un peu court lorsque le temps musical s’amplifie : les Intermezzi Op. 117 le montrent un rien fade, plus joli que mystérieux, même s’il est impossible de résister à leurs caresses. Pourtant une dimension leur manque cruellement, qui justement interdit de tomber dans le sentiment : écoutez seulement Kempff qui se garde bien d’y susciter la mélodie.

Mais lorsque le temps est court, et qu’il faut composer des instants de pure poésie, c’est merveille : le premier « cahier » de l’Opus 76 le démontre d’emblée, l’Opus 118 serait presque parfait s’il n’exposait trop cette constante du murmure puis de l’éclat. On sent la composition à l’œuvre, il y manque un naturel, une évidence, quelque chose qui ne serait ni cherché ni montré. Mais à ce degré de réalisation, et parfois de complétude c’est faire la fine bouche. Pourtant, refermant l’album, je me dis qu’il aurait été autrement chez lui dans les Ballades.

LE DISQUE DU JOUR

Johannes Brahms (1833-1897)
8 Klavierstücke, Op. 76
(extraits : Cahier I, Nos. 1 à 4)
3 Intermezzi, Op. 117
6 Klavierstücke, Op. 118

Arcadi Volodos, piano

Un album du label Sony Classical 8875130192
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Photo à la une : © Marco Borggreve