Bach, Opus 2

Une des plus divines mélodies jamais écrites par Bach s’esquisse, s’élève, se chantourne, se suspend, retombe, « presque rien », où l’harmonie célèbre déjà sinon une absence, du moins un renoncement. « Il partira bien ». Qui joue ainsi, avec tant de pudeur, un tel sens du non-dit, l’Arioso du Caprice sur le départ de son frère bien-aimé, et qui murmure l’Adagiosissimo – nuit sans étoiles ?

François Dumont qui ouvre son second volume Bach avec cette œuvre géniale où Bach est tout entier tourné vers l’Empfindsamkeit qui vient. Quelle tendresse dans ce toucher qu’avive encore une pudeur extrême, quelle délicatesse dans l’ellipse lorsque les traits descendants semblent pleurer, quel art de taire pour mieux dire. Ici, je ne l’avais pas entendu ainsi osé depuis Gustav Leonhardt. Et peu importe qu’un piano me remémore un clavecin, seul le génie des interprètes s’y fait écho.

Le Postillon peut résonner – François Dumont y fait piaffer le cheval du coche – et la Fugue dire au revoir, c’est un tout autre Bach qu’envisage ici le pianiste français, tournant le dos au ton radical qui avait porté si haut son premier volume où deux Partitas se contrastaient sur des Suites, anglaise ou française. Un Bach plus divers, et pas seulement parce qu’y paraissent le grand geste du Prélude et Fugue en la ouvragé par Liszt ou l’orgue-piano déployé par Busoni dans la Chaconne de violon : les translations temporelles ici n’imposent pas leurs styles, Bach parle d’abord, Dumont y proclamant un formidable « bas les masques ».

Mais le franc soleil du Concerto italien, pris ample, galbé et chanté partout qui invente des concertati de violon se répondant, ou les loures qui comptent les pas des danseurs dans la Gavotte-Musette (si tendre sous ses doigts) de la Troisième Suite anglaise, font autant de ballets qui échappent du seul clavier. C’est un orchestre qui joue ici, et que je n’entendais pas dans l’Opus 1 de cette série qui devra se poursuivre.

Fascinant et probablement inépuisable, de propos comme d’écoutes.

LE DISQUE DU JOUR

Cvr Dumont Bach 2 (2017)Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Capriccio sopra la lontananza del suo fratello diletissimo
en si bémol majeur, BWV 992

Concerto Italien en fa majeur, BWV 971
Suite anglaise No. 3
en sol mineur, BWV 808

Prélude et fugue en la mineur pour orgue, BWV 543 (arr. Liszt)
Chaconne, extraite de la Partita No. 2 pour violon seul en ré mineur, BWV 1004 (arr. Busoni)

François Dumont, piano

Un album du label Artalinna ATL-A016
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Photo à la une : © Jean-Baptiste Millot