Le Concerto méconnu

Ce violon qui caracole et chante à en perdre haleine, cette romance d’une fluidité irréelle où paraissent les montagnes des Hauts-Tatras, ce Finale de grande voltige et cet orchestre qui partout s’immisce dans le récit du violon, quelle beauté que ce Concerto de Mieczysław Karłowicz !

Le découvrant voici bien un quart de siècle sous l’archet impérial de Kaja Danczowska, je me demandais pourquoi il n’était pas plus connu hors de Pologne. Depuis, Nigel Kennedy, Ilya Kaler, Tamin Little et Cloë Hanslip l’ont enregistré avec des bonheurs inégaux, sans retrouver son ton de grande fantaisie et ses échappées belles qui semblent réservés aux archets polonais.

Après Konstanty Kulka, qui fut je crois bien le premier à l’enregistrer en 1979 (avec Rowicki !), Kaja Danczowska, Dorota Andrzejewska puis Piotr Plawner, Bartłomiej Nizioł y fait briller son archet inspiré, si alerte, si chantant.

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Photo du compositeur pratiquant sa discipline favorite (hormis la composition bien sûr) – Photo : (c) DR

C’est merveille dans la Romance, désarmante de lyrisme, où l’air des sommets des TatrasKarłowicz fut un alpiniste acharné, il y perdra la vie à trente-deux ans dans une avalanche le 8 février 1909 – met d’incroyables perspectives, Nizioł y faisant chanter son violon avec une émotion assez incroyable.

Le Finale peut bien paraître, véritable feu d’artifice, l’archet brille de tous ses spiccatos et ses sforzandos, déployant une danse infinie, ivre d’elle-même, un des plus brillants mouvements conclusifs jamais écrits dans l’histoire du concerto pour violon. Łukasz Borowicz règle l’orchestre fuligineux, si mobile, si versatile, dont Karłowicz a paré son soliste, décidément après leur très bel album Stojowski la preuve qu’ils s’entendent à la perfection.

Mais ce disque réserve une autre surprise. Dans The Sorrowful Tale (qu’on traduit en général platement en français par « Une triste histoire »), Karłowicz dépeint avec un art de la suggestion psychologique sciant les ultimes pensées d’un homme suicidaire. À l’acmé de la partition, il avait noté un coup de feu que Borowicz fait entendre pour la première fois au disque. L’œuvre est saisissante, et rappelle que Karłowicz fut un génie du post-romantisme dont la musique peut être reliée sans crainte au grand concert de la modernité qui éclatait à Vienne.

Son orchestre sombre, qui sonne également dans la Rhapsodie lituanienne et dans ses musiques populaires réinterprétées, n’est pas si éloigné que cela de ceux déployés alors par Zemlinsky (Die Seejungfrau) ou Schönberg (Pelleas und Melisande).

Deux souhaits : Łukasz Borowicz doit dès à présent réaliser une intégrale des opus d’orchestre de Karłowicz, et avec Bartłomiej Nizioł toujours, il nous doit les Concertos de Szymanowski : la chanterelle du violoniste polonais, l’archet vif-argent de Nizioł, me rappellent ceux de Pavel Kochanski.

LE DISQUE DU JOUR

cover karlowicz borowicz dux niziolMieczysław Karłowicz (1876-1909)
Concerto pour violon
en la majeur, Op. 8

Conte triste, Op. 13
Rhapsodie lituanienne, Op. 11

Bartłomiej Nizioł, violon
Orchestre Symphonique de la Nouvelle Philharmonie de Szczecin
Łukasz Borowicz, direction

Un album du label DUX 1377
Acheter l’album sur le site du label Dux

Photo à la une : L’extérieur de la Nouvelle (et magnifique) Philharmonie de Szczecin – Photo : © DR