Au chapitre Bach, les pianistes ne lâchent rien. Au contraire, Bach au piano revient à la mode, chacun y a son mot à dire, alors même que tout un chacun pensait que Glenn Gould avait réglé la question.

Mais non, les pianistes insistent, recommencent à le jouer legato, à l’orner romantique, sans se soucier des pratiques historiquement informées plus que cela. Je vous avouerais que cela m’enchante. Surtout lorsque fuyant la doxa, un pianiste aussi subtil que Fabrizio Chiovetta ouvre avec un son modeste mais interrogatif les formules ornées de l’Ouverture à la française, ce monument où Bach dit tout de son clavier.

Certains trouveront à ce disque en bleu – enregistré dans les paysages somptueux de Toblach, ceux-là même qui inspirèrent à Mahler son Chant de la Terre – un ton uniment nostalgique, mais le regretteront-ils ?

Oui, il y a bien nostalgie ici, dans le chant, dans les polyphonies, dans la couleur globale un peu froide où les mouvements sont plus réflexifs que conquérants. Mais à l’heure où tant de pianistes démontrent dans Bach, et font clamer leurs claviers, la voix étroite et mélodieuse choisie par Fabrizio Chiovetta fait un bien fou, jeu fluide mais articulé, où l’harmonie coule de source, et qui n’est pas sans me rappeler la si émouvante manière de toucher le piano que mettait voici peu Erin Hales à son Premier Livre du Clavier bien tempéré (Academy Productions, disponible ici). Ce ton d’évidence, cette complicité tendre qui enchantent tout autant la Première Partita que la 4e Suite anglaise – écoutez le détaché funambule des Menuets – font espérer une suite à ces Suites.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Ouverture à la française (Partita No. 7), BWV 831
Partita No. 1 en si bémol majeur, BWV 825
Suite anglaise No. 4
en fa majeur, BWV 809

Fabrizio Chiovetta, piano

Un album du label Aparté AP126
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Photo à la une : © DR