Le Concerto

Parfois le héros d’un disque n’est pas celui que l’on croit. Audite publie un album consacré à Pierre Fournier proposant uniquement des prises de concert non publiées jusqu’alors.

Le disque s’ouvre par une énième version du Concerto de Dvorák … qui ne nous en apprendra pas plus sur Fournier, sinon qu’il entre ce soir du 16 août 1967 dans son opus favori avec un archet un rien raide – cela s’arrange à mesure et le chant le reprendra généreusement peu après.

Oui mais voilà, c’est István Kertész qui dirige une formation de circonstance, le Swiss Festival Orchestra, et lui donne dés son ouverture une carrure et un élan sciants. Tout du long ce sera d’abord son concerto, tempétueux, emporté, ouvrant sur de larges paysages, porté par une maîtrise du discours qui m’a laissé incrédule. En plus, il ne l’avait jamais enregistré. Voila un apport majeur à sa discographie !

Tout aussi surprenant, cinq années lus tôt, Pierre Fournier, l’Orchestre Philharmonique de la R.T.F et Jean Martinon délivrent une interprétation brillantissime du Premier Concerto de Camille Saint-Saëns, qu’ils avaient fixé au studio pour la Deutsche Grammophon en 1960. Ah, l’élan et le chic de Fournier sont irrésistibles ici, avec le sel particulier du concert qui enflamme également Martinon, direction claire qui sait ce que dialoguer signifie.

En complément, Fournier joue à la mémoire d’Enrico Mainardi El cant dels ocells de Pablo Casals. L’annonce nous restitue sa voix, cette diction si typique d’une certaine époque, qui incluait la ponctuation dans le rythme de la phrase, ce qu’au fond scander veut dire.

Hasard de l’actualité discographique, le dernier disque de Daniel Müller-Schott est lui aussi consacré au Concerto de Dvorák, et le paysage de diverses pièces plus modestes, avec orchestre ou piano. Michael Sanderling et l’Orchestre symphonique de la NDR respirent très large l’Introduction, avec dans le jeu sostenuto quelque chose de beethovénien. La Bohème est loin, et Daniel Müller–Schott construit un discours toujours lyrique, même lorsque celui-ci tend au drame.

Des paysages se dessinent, des lignes mélodiques savamment détaillées tendant souvent à une certaine nostalgie évoquent Schumann. C’est bien vu, suprêmement réalisé, et un rien à part dans la discographie, ce qui donne à cette version une place singulière.

Les deux pièces avec orchestre sont tout aussi poétiques, mais la révélation est l’ampleur des quatre Pièces romantiques op. 75 – une quasi-sonate en fait – que Daniel Müller-Schott et Robert Kulek entendent comme un chef-d’œuvre, d’ailleurs ils ont choisi de lui faire ouvrir l’album. Je ne leur donne pas tort.

LE DISQUE DU JOUR

cover fournier auditeAntonín Dvořák
Concerto pour violoncelle
No. 2 en si mineur, Op. 104

Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Concerto pour violoncelle
No. 1 en la mineur, Op. 33

Pau Casals (1876-1973)
El cant dels ocells
(Le Chant des oiseaux)

Pierre Fournier, violoncelle
Swiss Festival Orchestra (Dvořák)
Orchestre Philharmonique de l’O.R.T.F (Saint-Saëns)
Festival Strings Lucerne (Casals)
Istvan Kertesz (Dvořák), Jean Martinon (Saint-Saëns),
Matthias Bamert (Casals), direction
Un album du label Audite 95628

cover dvorak muller-schott dvorak
Antonín Dvořák
(1841-1904)
Concerto pour violoncelle No. 2 en si mineur, Op. 104 B.191,
Waldesrühe (Klid), B.182,
Rondo, Op. 94 B.181,
4 Pièces romantiques,
pour violon et piano,
Op. 75 B.150

Daniel Müller-Schott, violoncelle
Robert Kulek, piano
NDR-Sinfonieorchester
Michael Sanderling, direction

Un album du label Orfeo C 855141A

Photo à la une : Daniel Müller-Schott, (c) Uwe Arens